C’est parce que j’avais été séduite par la voix de Daniel Nicodème lisant Concerto pour un ange que j’ai fait l’acquisition d’une autre de ses lectures qui, pour me convaincre un peu plus, a eu le Prix du Livre Audio 2009. En vérité, ce n’est pas d’une « lecture » qu’il s’agit là mais d’une réelle interprétation de l’œuvre qui m’a bluffée du début à la fin.
Je crois qu’on peut appeler ça un coup de cœur. Les 11h30 d’écoute sont passées à une vitesse phénoménale et j’en aurais bien écouté encore et encore.
Desmond Bates est un retraité malentendant qui vit avec une femme un peu plus jeune qu’il aime et dont il est aimé. Depuis qu’il a quitté son poste de professeur de linguistique à l’université, il met ses pensées par écrit. Il n’a rien de particulier à raconter, sauf ses problèmes d’ouïe qui lui créent pas mal de soucis puisqu’il fait souvent semblant de bien entendre alors qu’il n’entend rien du tout. De petits faits, au départ anodins, vont secouer cette vie ennuyeuse : une jeune étudiante lui demande de devenir son directeur de thèse, elle est séduisante et un peu trop insistante ; le père de Desmond décline, il vit seul et a bien du mal à se souvenir de certaines choses, il croit également entendre sa femme depuis longtemps décédée marcher à l’étage ; il y a aussi cette visite à Auschwitz qui perturbe tant notre universitaire. Il n’y a pas à dire, on s’attache à lui très vite. Il a des défauts, des faiblesses, tente de suivre un certain nombre de principes et surtout, se montre drôle, cocasse, maladroit, touchant. La voix de Daniel Nicodème y est pour beaucoup. J’aurais apprécié le livre, c’est certain, mais le livre audio m’a complètement envahie, j’ai vécu dans cette ville de province, j’ai pleuré à certains moments, éclaté de rire à d’autres. Le comédien-lecteur mérite un éloge tout particulier parce qu’il a su modifier sa voix, il a su retransmettre l’émotion de certains passages de poésie anglaise. La jolie traduction est également à souligner, elle n’a pas dû être évidente car jeux de mots et réflexions linguistiques abondent.
Le comble c’est que les thèmes abordés - la surdité, la vieillesse, la mort - a priori plutôt affligeants et tristounets, prennent vie dans ce roman, deviennent intéressants, tantôt drôles, tantôt émouvants. Lodge écrase certains tabous et parle de l’inévitable. Et il reste même une petite note d’espoir pour clore cette œuvre complète. Ca fait longtemps que je n’avais pas lu Lodge, cette œuvre-là m’a donné l’envie de plonger dans d’autres de ses romans. Une très belle réussite, étonnante.
Les petits extraits qui m’ont plu :
Ø « La surdité est comique alors que la cécité est tragique. Prenez Œdipe par exemple. Imaginez qu’au lieu de s’arracher les yeux, il se soit crevé les tympans, ça aurait été plus logique en fait puisque c’est par les oreilles qu’il a appris l’atroce vérité quant à son passé, mais cela n’aurait pas eu le même effet cathartique. Cela pourrait susciter de la pitié, peut-être, mais pas de la terreur. »
Ø Lorsque le père du narrateur est hospitalisé et que tout le monde sait qu’il n’a plus quelques heures à vivre, Desmond et son épouse se retrouvent seuls dans la maison insalubre de l’aïeul : « Ni l’un ni l’autre n’éprouvions le désir de dormir dans le lit de papa ni non plus de dormir séparés. Alors on a enlevé les matelas des deux lits et on s’est fait un lit sur le plancher du salon, la seule pièce qui de la maison qui semblait encore un tant soi peu accueillante. On n’a pas essayé de faire l’amour mais on s’est caressé. Et on s’est laissé gagner par le sommeil enveloppés confortablement dans les bras l’un de l’autre, ma main entre ses cuisses chaudes. Tôt ou tard, c’est à cela que se résumera notre vie sexuelle, je suppose, si nous vivons assez longtemps, des contacts tendres et intimes. Et mieux vaut accepter cette perspective infiniment préférable à rien du tout en espérant bien sûr que ça arrivera le plus tard possible. »
et maintenant, pause estivale pour les livres audio...