Deux tomes.
Face A : C’est Kévin qui parle, un gars d’une cité. Il est « céfran » mais il traîne toute la journée avec des blacks et des reubeus, et il est dans tous les mauvais coups. Son comportement le mène direct en SES, en Section d’Education Spécialisée. Mais un jour, à la cantine, il rencontre Clarisse, une élève de « sixième normale » dont il tombe amoureux. A la même période, Djamel et sa bande l’embrigadent pour des plans « reurti » : la petite taille de Kévin lui permet de se faufiler partout et d’ouvrir la porte à Djamel et ses potes qui multiplient ainsi agressions, vols et casses.
L’album se clôt sur l’anniversaire de Clarisse, fille de bourgeois huppés mais tolérants et sur la découverte des poèmes d’Aragon, offerts par un voisin communiste.
Face B : le 2ème tome se situe un cran au-dessus au niveau de la violence et de la bestialité. Djamel et sa bande poursuivent leurs plans « reurti » mais lorsque l’un d’eux viole une femme chez qui ils étaient allés voler, Kévin se pose des questions et ces images de viol lui trottent dans la tête.
Il n’en reste pas moins accro à Clarisse. Malchance pour lui, les cassettes porno prêtées à un copain coincé de Clarisse ont été retrouvées par les parents. La chute finale explique les sous-titres des deux albums : Kévin enregistrait son témoignage et s’adressait au juge.
La mère de Clarisse, un soir, l’avait suivi jusqu’au local de Djamel et sa bande : « Et c’est ça com‘ qu’c’est arrivé… elle a dû me mater quand j’venais voir Clarisse et me suivre. Forcément, quand elle a vu où que j’étais, elle a pas aimé. La vérité, la reum à Clarisse, j’lui ai rien fait, moi ! C’est juste Djamel et Laurent qui l’ont pécho ! Voilà, M’sieur le juge, j’vous ai tout raconté… vous gourrez pas entre la face A et la face B, sinon, vous allez rien piger. M’sieur l’juge, vous pourriez demander à Clarisse si elle pourrait v’nir me voir ? J’veux dire, quand sa reum elle sera guérie… »
Comme vous pouvez le constater, le langage est « d’origine » et quand on sait que Jonquet en est l’auteur, on ne doute plus ni de sa justesse ni de son authenticité. Le récit est difficile à lire, je ne dirais pas le contraire, on est effrayé par ce monde dont les valeurs sont extrêmement différentes des nôtres, par cet univers où un gosse d’un peu plus de dix ans côtoie tous les jours sexe, violence, fric et racisme. La Face B est accompagnée d’interviews de l'auteur, du dessinateur et de l’éditeur. Jonquet se revendique un entomologiste social, un naturaliste des temps modernes, il a étudié, a observé - mieux - a vécu avec ces Kévin qu’il décrit.
Le graphisme est simple, bariolé et parfois sombre ; il tente de montrer, avec un réalisme qui fait froid dans le dos, un Kévin à la fois victime et coupable, à la fois enfant et adulte, à la fois intelligent et stupide.
Que dire d’autre? Une grande tristesse et un certain pessimisme se dégagent de cette lecture.
A lire. La BD s’inspire d’un roman de Jonquet (du même titre) que je lirais bien aussi.
La première rencontre avec Clarisse
Le quartier chic de Clarisse.
Djamel et ses potes.