C’est un garçon de café, Pierre, qui s’exprime à la première personne et qui nous raconte ses journées de travail. Son métier occupe entièrement la vie de cet homme célibataire de 56 ans. Dans le petit café d’Asnières, Le Cercle, il écoute beaucoup les clients parler, il observe, il y a les jolies étudiantes qui sèchent leurs cours, le jeune homme taiseux qui lit des livres, des ouvriers qui viennent boire leur café.
Un matin, la journée commence sous des auspices différents : le patron n’est pas là. Une nouvelle serveuse est arrivée pour remplacer une autre en congé maladie mais l’absence du chef pose bien des problèmes et le rythme, pour notre Pierrounet comme certains clients l’appellent, est soutenu. En vérité, il y a de l’eau dans la gaz entre Monsieur le Patron et Madame. Elle le soupçonne d’avoir rejoint Sabrina, la serveuse en congé. Malgré son air nonchalant, Pierre est touché par ce changement, il craint pour son emploi. Il repense à sa vie, pense qu’elle est bientôt terminée. Que si son boulot ne l’occupe plus, c’est le vide et le néant qui l’attendent. Alors, plus que jamais, il s’applique nettoyer à son comptoir, à servir les gens, à faire fonctionner ses guiboles.
La vraie vie, le quotidien, voilà ce que nous présente l’auteur sur son petit plateau argenté, tel un garçon de café serviable et obligeant. D’intrigue, il n’y en a guère. Le langage est simple, parfois enfantin, parfois bourru et familier. C’est Pierrot. J’ai trouvé un je-ne-sais-quoi d’irrésistiblement attirant dans ce récit. La simplicité m’a plu, c’est sans chichi, sans prétention, comme on est dans la vraie vie. Pas de grande recherche stylistique, pas de phrases alambiquées mais quelques pointes d’humour, de l’autodérision et une vision réaliste un peu tristounette du temps qui passe. Un grand amour de l’humain enveloppe le roman, doucettement. Le livre terminé, on a juste envie de prendre un café bien chaud dans ce bistrot et de sourire à Pierrounet …
Devant une jolie cliente : « J’ai ramassé son billet de dix et elle nous a laissé quand même vingt centimes de pourboire. Le Cercle n’a pas encore augmenté les cafés contrairement à La Rotonde où ils le font à un dix. Il y avait de moins en moins de gens à entrer et sortir de la gare par le tunnel sous les voies. Avant de partir la belle femme a tiré de son sac un paquet de cigarettes, et comme elle avait un vrai sac à main de femme j’ai eu un grand plaisir à lui donner du feu, avec les allumettes je garde toujours un Bic dans la poche de mon gilet noir. Ses yeux tiraient un peu sur le vert, et ça m’a éclairé la vue. Merci. Bonne journée. Vous aussi. »