Transporté dans un avenir proche, le lecteur est amené à faire la rencontre des Servantes, cette caste de femmes destinées à procréer.
A travers le témoignage de Defred qui a vécu la vie d’avant, notre temps, notre société, on découvre très progressivement un nouveau mode de fonctionnement qui régit un monde terrifiant. La liberté n’existe plus. Tout le monde s’épie, chacun soupçonne l’autre, la confiance n’est plus qu’un mot dénué de sens. Defred fait partie de ces Servantes, ces femmes convoquées pour s’accoupler avec un Commandant, un homme puissant dont la femme ne peut lui donner d’enfant. Si la Servante est choyée, tout est mis en œuvre pour qu’elle puisse donner la vie, son existence et son quotidien sont extrêmement contrôlés et surveillés. Les divertissements, les plaisirs, le rire ont disparu de cette société. Et pourtant, on se révolte très doucement, des soirées clandestines sont organisées, le Commandant lui-même invite Defred à … faire des parties de scrabble !
Le plus intéressant dans ce roman réside dans le rapport au passé. Defred se souvient de son mari, de sa petite fille dont elle est séparée, de son amie, l’audacieuse Moira ; elle se remémore sa vie antérieure (notre présent) et loue ce bonheur qu’elle n’estimait pas à sa juste valeur. C’est une réflexion sur le totalitarisme et les libertés dont on dispose dans ce présent où on passe son temps à se plaindre, vraiment très intéressante.
Je ne suis pas une grande fan des dystopies qui ont toujours le chic de me foutre la trouille (c’est un peu le but me direz-vous…) mais ce roman-là est bien fichu. Le trait est parfois forcé : malgré la « formation » via cette abominable tante Lydia et le lavage de cerveau qui l’accompagne, on se demande à plusieurs reprises comment ces gens peuvent accepter cette situation. Et on finit par se dire que la vie qu’on mène actuellement est une des plus sympas que l’être humain n’ait jamais connue !
Ce roman ne manquera pas de plaire aux amateurs du genre, pour ma part, lu cet été, il m’a plutôt paru froid et déprimant…
Un petit rappel du passé regretté : « Elle va à l’évier, se passe rapidement les mains sous le robinet, les sèche au torchon. Le torchon est blanc avec des bandes bleues. Les torchons sont comme ils ont toujours été. Quelquefois ces éclairs de normalité m’arrivent de côté comme des embuscades. L’ordinaire, l’usuel, un rappel, tel un coup de pied. Je vois le torchon, hors de son contexte, et je retiens mon souffle. Pour certains, à certains égards, les choses n’ont pas tellement changé. »
Une partie de scrabble chez le Commandant : « C’était comme utiliser un langage que j’avais su un jour, mais que j’avais presque oublié, un langage relatif à des coutumes qui avaient depuis longtemps disparu de ce monde : café au lait à une terrasse, avec une brioche, de l’absinthe dans un grand verre, ou des crevettes dans un cornet de papier ; des choses que j’avais lues autrefois, mais jamais vues. »