Erik Orsenna nous offre, une fois encore, l’éloge d’un petit pan de la langue française.
J’avais lu Si on dansait ? en 2009 ; La Révolte des accents vient chronologiquement juste avant. Les ingrédients sont toujours les mêmes : une adolescente amoureuse des mots, une île, des personnages de conte. Jeanne obtient un job d’été un peu particulier : elle prête son excellente vue à un gardien de phare devenu aveugle. Observant ainsi de loin une représentation de Roméo et Juliette, elle assiste également au(x) drame(s) de l’île : les épices de Mme Rigoberta ont disparu et, par la même occasion, les accents qui ornent nos mots. Jeanne part à la recherche des accents et sa quête la mène en Inde. Elle y retrouve son frère, Tom, qui, contre toute attente, lui permet de retrouver les accents disparus.
Je m’étais un peu lassée de ces récits qui ont quelque chose d’un peu redondant mais j’avoue que c’est avec grand plaisir que j’ai lu ce court texte agrémenté d’illustrations –même pour l’édition de poche, c’est extra. Orsenna nous conduit dans son univers, un univers tout doux, empli de candeur et de couleurs. Un monde de l’enfance où les cinq sens sont titillés. J’ai aimé ce parallèle gastronomie/langue française, tout à fait opportun, d’après moi ! « la blancheur du riz sans épices ressemble au grand désert d’une journée sans il était une fois ».
Moi qui me bats aussi quotidiennement contre les oublis des accents, vous pensez bien que je me suis sentie épaulée dans ma lutte de tous les jours… Certains élèves oublient tous les accents, tout simplement. Ca m’a toujours dérangée. Orsenna nous propose quelques dialogues dénués d’accent, c’est laid, difforme, c’est « fade » et « insipide ». « Leur absence éteignait les mots. On aurait que notre langue française avait, soudain, perdu tout élan, tout éclat, toute lumière ».
Une défense des accents subtile, un brin surannée et délicieusement enfantine. Au-delà de cette apologie des signes diacritiques, l’auteur nous prouve, à chaque page, son talent de poète et son incroyable faculté de créer des images, des rapprochements, d’éveiller ou de réveiller notre amour du français.
« Grâce à la musique, on voit plus clair, plus loin qu’avec les yeux. On dirait que les notes prennent le regard sur leur dos et l’emportent au loin, là où il a besoin de voir. »
« M. Henri, notre quasi-centenaire, le roi de nos musiciens, se tenait devant la boutique. Il souriait. Comme toujours. Sur son visage, on aurait dit qu’une guerre avait éclaté jadis entre le sourire et les rides. Les rides progressaient d’année en année. Mais le sourire (pour combien de temps ?) continuait de sortir vainqueur. »
« Il était une fois...
Je ne sais pas vous, mais moi, dès que j'entends ces quatre mots, je ronronne, je m'abandonne, je prends la mer ou je m'envole, je m'étends, je m'agrandis, je ne suis plus Jeanne, je deviens qui on veut, un Esquimau, une Tahitienne, un éléphant, une fourmi rouge, un arbre du voyageur… ou Dieu lui-même. »