Souvent croisé dans les librairies ou sur la blogosphère, ce petit livre ne me disait rien… il faut dire que la tête de la Reine d’Angleterre en couverture n’attire pas tout le monde ! Et pourtant : lecture jubilatoire !
La reine adore promener ses chiens. Un jour, par hasard, ils prennent la poudre d’escampette, attirés par quelque chose dans une cour intérieure du palais située près des cuisines. La reine les rejoint et tombe sur un bibliobus de la commune de Westminster. Intriguée, elle emprunte un livre et fait en même temps la connaissance de Norman, un grand lecteur travaillant dans les cuisines du palais. C’est ainsi que la reine se met à aimer la lecture et qu’elle décharge Norman des corvées de vaisselles pour le nommer page au service de la reine. D’abord plutôt adepte des lectures « faciles », la reine s’attaque à des auteurs plus ardus comme Marcel Proust ou Henry James : « la lecture fonctionnait au fond comme un muscle qu’elle avait fini par exercer. Elle pouvait à présent lire ce roman sans difficulté et avec un grand plaisir, riant à certaines remarques qui n’étaient pas vraiment des plaisanteries et auxquelles elle n’aurait même pas fait attention autrefois. »
Ce qui, en apparence, pourrait être un passe-temps ordinaire, constitue un véritable problème pour l’entourage de la reine et les sommités rencontrées. Car les livres lui prennent tout son temps, elle arrive de plus en plus souvent en retard à ses rendez-vous, prend de plus en plus de plaisir quand elle doit faire de longs trajets en train ou voiture car elle peut lire, parle bien trop souvent de ses lectures à des interlocuteurs qui n’y connaissent rien. Son secrétaire particulier envoie Norman faire des études très loin de Londres.
La reine regrette de ne pas avoir lu avant, elle a passé sa vie à côtoyer des grands écrivains et aimerait maintenant pouvoir les questionner sur leur œuvre. La lecture lui permet aussi d’être sur un pied d’égalité avec le commun des mortels : face à ces pages, elle est anonyme ; elle comprend mieux les autres, « elle en savait plus long sur les sentiments des autres et […] elle était en mesure de se mettre à leur place ».
La dernière étape de ce long cheminement consiste à écrire car si la reine a d’abord recopié quelques citations, elle s’est mise ensuite à noter des réflexions qu’elle se faisait au cours de ses lectures pour finalement écrire son propre livre. L’annonce de ce grand pas en avant suscite autour d’elle méfiance et stupéfaction.
Ce petit roman est délicieux, drôle, décalé et parfait pour ceux… qui aiment lire ! La reine apparaît dans son intimité, on a accès à ses pensées et elle devient un personnage attachant. Les références littéraires fleurissent et on ne peut que s’identifier à la reine dans son engouement croissant pour la lecture, on la plaint aussi souvent, que de protocoles à respecter ! Bouh ! Reste à savoir si la reine réelle (parce que, bien sûr, il y a de la fiction dans le personnage du livre) a lu le roman… Je redoutais le dénouement et la petite chute est cependant bien trouvée.
J’ai adoré et il me tarde de lire d'autres titres du même auteur!