Irving… Ecrivain chouchou pour qui je manque parfois d’objectivité …
Patrick Wallingford est un petit journaliste très séduisant qui multiplie autant les conquêtes féminines que les reportages douteux. C’est d’ailleurs au cours d’un reportage en Inde que l’intrigue va réellement démarrer : la main de Patrick est happée par la gueule d’un lion dans un zoo. Celui qu’on appelle désormais « l’homme au lion » devient célèbre. Il passe cinq ans avec son moignon, la chaîne de télé qui l’emploie en profite pour couvrir tous les petits et grands désastres. Et un jour, son chirurgien attitré, le Dr Zajac, l’appelle pour l’informer qu’une greffe de main peut être effectuée. Le donneur vient de mourir accidentellement. Sa veuve, Mrs Clausen, se montre extrêmement pressée d’accomplir l’opération. Son dessein est pourtant ailleurs : garder une parcelle de son feu mari, son cher Otto, dans la nouvelle main gauche de Patrick et… s’accoupler avec Patrick pour avoir un enfant, souhait qui n’avait jamais pu se réaliser avec son défunt époux stérile.
Problème : Patrick tombe amoureux de Mrs Clausen. Ils entretiennent d’ailleurs une relation bien particulière, elle le repousse, mais dort avec lui, sa main gauche (ou plutôt celle d’Otto) posée sur son ventre rond de femme enceinte. Pour elle, c’est clair, l’enfant est d’Otto, Patrick ne fait que « porter » la main d’Otto.
En parallèle aux frasques et aux non-frasques de Patrick (car il va faire une grande pause dans sa vie sexuelle), on découvre le chirurgien et ses proches. De proches, il n’y en a guère d’ailleurs, au début du roman. Zajac a un fils, Rudy, sept ans, qu’il voit peu car son ex-femme ne l’autorise à le voir qu’un week-end sur deux. Le chirurgien jouera quelque temps au type aveugle aux charmes de sa femme de ménage, Irma, avant de fonder un couple puis une famille avec elle.
Chez Irving, il est souvent question d’amour… l’amour fidèle, l’amour qui dure, qui devient obsession même… mais qui peut être entrecoupé d’échanges charnelles avec d’autres personnes.
C’est tout l’univers d’Irving qui me plaît, il nous embarque dans des histoires farfelues où tout, mais vraiment tout, est possible, aux personnages drôles, stupides, souvent très seuls et très maladroits. Et puis, soudain, sans prévenir, abracadabra, il nous fait vivre un instant vrai, réaliste, tendre, poétique, subtile.
Cette quatrième main… hum hum… je ne vous dévoilerai pas ce qu’elle est, ce qu’elle représente mais qu’est-ce que j’ai aimé cette image !
Le roman, qui est loin d’être aussi bon que Dernière nuit à Twisted River, souffre de quelques longueurs qui pourraient ennuyer le lecteur (vous voyez, je fais moult efforts pour être objective !) mais l’ensemble se lit très bien, les personnages secondaires sont aussi bien dessinés que les protagonistes. Malgré ses loufoqueries, Irving est toujours au plus près de la vraie vie, c’est ce qui est incroyable. Comme souvent, il se moque de lui-même et fait référence à son monde, si particulier : « La chaîne d’actualités pratiquait depuis longtemps un vrai humour potache, avec conception de la mort assortie : la vie devenait une vraie farce, dont la mort était le gag final. »
Pour les amateurs et les connaisseurs, sachez que la mention d’un ours est faite à la p.283, elle n’occupe qu’une ligne et demie, mais elle y est !
J’ai adoré le chirurgien, sa gaucherie (c’est un comble de dire ça pour ce roman !), sa naïveté, sa passion pour son fils Rudy… et pour son chien, Médée, qui n’est rien moins que coprophage :
« Recueillir une crotte de chien dans une crosse en courant est beaucoup plus difficile que de ramasser une balle. L’étron, en effet, se rencontre sous des formats divers et variés, il peut arriver qu’il soit incrusté dans l’herbe, voire qu’il ait été piétiné. Mais Rudy avait eu un entraîneur de première force. Et la détermination de Médée, ses coups d’épaule puissants contre la laisse quel que soit le sport qu’on veut maîtriser, et surtout s’il s’agit de la « crosse à la crotte », comme ils disaient : la compétition. »
Et cette lecture entre dans le cadre de l’honorable challenge de Val :