Le narrateur de ce gros roman jeunesse est un garçon de 13 ans, Gwen, surnommé Gwen le Tousseux en raison de sa faible constitution et de ses fréquentes quintes de toux.
1914, en Bretagne : parce qu’un rebouteux, le vieux Braz, l’a soigné pendant des jours et des jours, Gwen entre à son service et quitte ainsi ses parents. Quelques mois plus tard, le vieux Braz meurt en lui léguant sa maison à toit de chaume… et autre chose de plus énigmatique.
Un jour, Gwen fait un mystérieux voyage, emporté par la charrette de l’Ankou (les Bretons reconnaîtront le personnage symbolisant la Mort) et se retrouve dans un pays qu’il ne connaît pas, les Douze Provinces, « ce grand nulle part cerné de brouillards et de marais »… un pays bien étrange surveillé de près par la douane volante qui ne laisse aux habitants que peu de liberté.
Pris en charge par Jorn dont il ne sait si c’est un ami ou un ennemi, il se découvre un don pour soigner les gens. Lui aussi, est un rebouteux comme le vieux Braz. Accompagné par son pibil siffleur, un oiseau extrêmement difficile à capturer, Gwen rencontrera des gens extraordinaires : le chirurgien Nez-de-Cuir qui va lui enseigner les rudiments et les subtilités de la médecine, Yvon le Rouquin venu de Bretagne lui aussi, la jolie Saskia dont il tombera amoureux, la plantureuse Silde, et des hommes forts, brutaux, sanguinaires… Des noms aux sonorités gutturales se succèdent, des lieux ensorcelés retiennent notre héros malingre et intelligent : les jardins de Fer, Antvals, le Château des Poux, Waarm…
La qualité de ce livre tient à son écriture forte, typée et imagée mais aussi à l’univers que peint l’auteur : noirceur, canaux, marais, beffrois, ambiance médiévale, épidémies, coups bas, rixes et survie à tout prix sont les quelques facettes de ce roman si riche en rebondissements. Et ce serait mon seul bémol, je sais bien que c’est un roman destiné aux jeunes mais les actions sont si nombreuses que j’ai souvent failli en perdre le fil. Je ne sais pas si ce roman peut plaire aux ados, il leur faut un certain bagage culturel et un bon niveau de lecture pour entrer dans cette formidable histoire peuplée d’êtres fantastiques, des croyances perdues et de paysages flamands et bretons. Hugo, Melville, Dumas, Zola ont vendu un peu de leur art et de leur atmosphère à François Place…
L’oiseau fidèle qui suit Gwen dans ses pérégrinations s’est improvisé amuseur de foules :
« Les enfants se le passaient de l’un à l’autre. Mais c’est pendant les veillées qu’il déploya un talent que je ne lui avais jamais connu. Tandis que nous nous serrions autour du foyer, il s’avançait en de dandinant dans la lumière, son ombre démesurément agrandie par les flammes, et il se lançait dans des pitreries de comédien des rues, en imitant toute une galerie de personnages à grand ramage, les gens de la douane et les poissonnières, les banquiers et les pêcheurs d’anguille, les mendiants et les filles à marier. »