Quelle étrange découverte que cet album en noir et blanc ! Il raconte une légende, celle de Luce de Mirail, qui, comme une certaine Antigone, fut « condamnée depuis sa naissance à un destin tragique ».
« A 13 ans, Luce est mariée à Abélard de Mirail, fils aîné de Symphorien. Par cette union, les Mirail s’approprient Castel Djoubé et redeviennent seuls maîtres à Rocmirail. Un jour, Luce a 20 ans, Galéon s’invite à la fête et revendique le château des Dalmayrac. » S’ensuit un combat entre l’époux et le frère de Luce. Abélard, l’époux que Luce n’aimait pas, tue Galéon, le frère compréhensif qu’elle chérissait. Mais l’ennemi est Galéon et le patriarche, Symphorien, refuse qu’on lui donne une sépulture. Abélard meurt de ses blessures quelques jours plus tard. Luce, qui n’est pas venue voir son mari agonisant et qui a recouvert le cadavre de son frère de boue la nuit, en cachette, est recluse dans une pièce du château. Fière, elle ne se plaint pas, elle accepte la nourriture froide qu’on lui donne. Elle lutte, résiste jusqu’au jour où Thomas, le frère d’Abélard, revient au château et tombe amoureux d’elle. Elle répond à ses attentes, et, après une liaison secrète où les amants fuient chaque nuit, Thomas frappe son père car il refuse le mariage. Alors que Thomas disparaît dans le brouillard hostile des confins du Rouergue, Luce est accusée d’avoir ouvert la sépulture d’Abélard et dispersé ses restes. Elle mourra sur le bûcher, portant l’enfant de Thomas dans le ventre.
C’est tragiquement beau. Luce apparaît comme une femme noble, orgueilleuse, revancharde ; solitaire dans un monde qui lui en veut, entourée de personnes malveillantes, elle respectera ses principes.
Le graphisme a quelque chose d’effrayant quelle que soit la scène qu’il représente. Le noir est comme de la suie ou de la cendre qui tombe verticalement, le blanc se fait plutôt gris pour rendre l’ensemble très sombre. Il y a quelque chose de fantomatique là dedans, à juste titre.
Les dernières planches sont magnifiques et fortes en émotion. « Des pèlerins toujours plus nombreux venaient planter une croix sur le lieu du martyre de Luce. Ainsi entra-t-elle dans la légende. » Un arbre se dresse encore aujourd’hui, seul, fier, sur la colline des mille croix.
Cette BD a reçu le Prix Essentiel au festival d’Angoulême en 2009.