Encore un coup de cœur ! J’ai décidément beaucoup de chance avec la littérature de jeunesse depuis quelques semaines.
Tout d’abord, j’ai aimé parce que j’ai été surprise. Le titre m’orientait plutôt sur le thème du racisme → « couleur » = couleur de peau. Plantage complet ! Le premier chapitre, ensuite, m’a plus qu’intriguée. « Cinq heures cinquante. Dans dix minutes, le réveil sonnera. Max n’a pas fermé l’œil. Nouvelle nuit d’angoisse et d’insomnie. Mais c’est l’heure. Il va devoir se lever, affronter, assumer. Faire face à ce qui l’attend. Et ce qui l’attend est loin d‘être rose. Non, c’est plutôt brun. De ce brun infâme qu’il va endosser dans quelques instants ; ce brun infâme qui désormais fera de lui un objet de mépris, de moquerie, de mise à l’écart, d’exclusion ». La suite de l’incipit ne lève pas beaucoup plus le voile ; Max, ce mystérieux ado, se fait réprimander par une mère, Magda, désespérée par ce que son fils a pu faire.
C’est à partir du deuxième chapitre qu’on comprend que l’époque n’est pas la nôtre mais qu’il s’agit du vingt-deuxième siècle. Un siècle étrange qui a mis une croix sur son passé, un siècle où les interdits sont nombreux : les anciens livres, les anciens livres sont prohibés mais l’amour, les marques de tendresse, l’entraide sont également à bannir. A l’école, un classement permet de différencier les élèves méritants des moins bons. Les uniformes violets représentent l’élite, les « bruns » sont au bas de l’échelle. Max, auparavant, était « rouge », le rouge, la « bonne couleur ». Mais il a enfreint le règlement, il a fréquenté un antiquaire du nom de Félix, a lu des livres interdits et a visionné des films interdits : documentaires, films d’amour, anciennes émissions. Félix lui expliquait qu’avant, les gens étaient libres et vivaient dans une démocratie.
Pourquoi ce changement ? Parce qu’une partie de la population a cessé de voter et a « délaissé cette chance unique de voter, de s’exprimer par les urnes. C’est comme ça que ce système infâme s’est peu à peu mis en place. Le temps de se réveiller, il était déjà trop tard. Ils avaient pris le pouvoir… »
Qui dit dictature dit résistance. Félix en fait partie, mais aussi Marylin, la belle « violette » ; Poissard, le terrifiant directeur du lycée qui semble se plaire à humilier Max ; et surtout son père Jo, le père de Max, emprisonné depuis si longtemps et que l’ado n’a presque pas connu.
Univers de faux-semblants, d’hypocrisies et de mensonges. Les résistants souhaitent une révolution dans la douceur à l’image de la révolution des Œillets ou du printemps de Prague. Pour cela ils disséminent des tracts partout dans la ville, des tracts que les habitants n’osent même pas toucher, des tracts que certains apportent même à la police.
Un livre très intéressant pour des 3èmes :
- La chronologie n’est pas linéaire, les retours en arrière sont nombreux.
- Les points de vue changent : celui de Max, de Magda, de Félix, de Jo.
- Les personnages ne sont pas uniformes. On suit le parcours initiatique de Max qui subit un certain nombre d’épreuves pour être digne d’enter dans le réseau des résistants. Magda, elle, hésite entre collaboration (associée à la tranquillité, au confort) et résistance.
- Les pistes de réflexion sont nombreuses : la résistance, le droit de vote, la sauvegarde de notre patrimoine, etc.
J’aime les récits qui valorisent notre époque, bien conscients de la chance que nous avons, actuellement, de vivre comme nous le faisons et qui s’opposent, par là, au pessimisme ambiant, au « c’était mieux avant ».
La fin de ce roman aux accents évidemment orwelliens n’est pas un dénouement à proprement parler mais une ouverture vers un avenir radieux, fait d’espoir. Pour Jo, les tracts que les gens répugnent à lire seront tellement nombreux et envahissants que « bientôt, ils y jetteront un œil plus attentif, ils les liront, les apprendront par cœur. Les enfants les mettront en chanson, se les échangeront sous le manteau. Et voilà qu’un murmure s’élèvera, puis une rumeur. La révolte se mettra à gronder. Les gens commenceront à réagir, à en parler. Les plus anciens se souviendront, les langues se délieront. (…) Et voilà que les étudiants et les lycéens descendront dans la rue, par centaines, par milliers, débarrassés de leurs uniformes et scandant un unique slogan : LIBERTE ! Ils n’auront qu’une seule et unique revendication, le retour de la démocratie. »
L’édition Casterman propose une exploitation pédagogique du roman pour les classes de 3ème.