Le sous-titre de ce court roman destiné aux jeunes collégiens aurait pu être « Une famille nombreuse en 1968. »
Ils sont cinq garçons, Jean-A l’aîné, Jean-B le narrateur, Jean-C , Jean-D et Jean-E pour les suivants. Leur père leur a attribué le prénom de leur grand-père accompagné d’une lettre…. car il n’a pas bonne mémoire ! Ils ont entre 2 et 10 ans et habitent Cherbourg avec leur mère « très organisée » et leur père médecin et mauvais bricoleur.
La vie d’un gamin –ou plutôt de cinq gamins !- est décrite avec ses bonheurs et ses malheurs : la séance hebdomadaire à la piscine, les vacances ratées à la montagne, l’envie d’avoir un chien, le camp scout, le rêve de posséder une télé et surtout l’arrivée d’un 6è enfant qui ne peut être, évidemment, qu’une fille qu’on appellerait Hélène. La fameuse recette de l’omelette au sucre est inventée par le père maladroit qui ne sait pas cuisiner et qui régale, pourtant, les garçons, le soir où la maman est à l’hôpital et s’apprête à donner naissance… à Jean-F !
J’ai vraiment pris plaisir à rencontrer cette famille qui, malgré leur nombre (qui personnellement, me fait froid dans le dos), les torgnoles distribuées trop fréquemment, les 1001 bêtises, émeut le lecteur. C’est drôle, tendre et ça respire la confiance en la vie (moins présente dans les années 2000 que dans les années 60 !)
On retrouve les aventures et mésaventures de la fratrie dans les titres évocateurs de Le Camembert volant et La Soupe de poissons rouges.
Et Le Collège fantôme est ici !
Avant la séance piscine : « Le samedi n’est pas un jour comme les autres.
D’abord parce que papa vient nous chercher à la sortie de l’école.
Quand on passe le portail, on l’aperçoit de loin, dans la foule des parents. Papa est si grand, qu’à côté, les autres pères paraissent des pères pygmées.
Tous nos copains sont jaloux. Même François Archampaut dont le père est riche et possède plusieurs usines.
François Archampaut dit que son père fait du karaté et qu’il est tireur d’élite, mais je l’ai vu une fois : un petit type tout chauve avec un costume à rayures qui attendait François, assis sur la banquette arrière d’une grosse DS 19. Ses lunettes arrivaient à peine à hauteur de la fenêtre. Le chauffeur a ouvert la portière et François a sauté à l’intérieur comme s’il avait eu honte. »
Après la séance piscine : « Mais le mieux, c’est quand on rentre.
Avec toutes les tasses qu’on a bues, on a l’estomac qui pèse des tonnes. Dehors, il pleut parce que c’est l’hiver et qu’on est à Cherbourg, on grelotte à cause de nos cheveux mouillés et on se sent tout faibles d’avoir tant nagé.
Chaque samedi, quand on revient de la piscine, maman a préparé une gougère.
C’est une espèce de couronne en pâte à choux dorée, moelleuse et chaude comme une brioche qui embaume jusqu’en bas de la cage d’escalier. J’adore la gougère. C’est mon plat préféré. Le menu spécial du retour de la piscine. Une sorte de promesse dorée et succulente flottant au-dessus des courants d’air et de l’odeur de désinfectant de la piscine...
On commence par se faire gronder parce qu’on ne s’est pas bien séché les cheveux, on étend les maillots et les serviettes au-dessus de la baignoire, puis papa dit :
- Qu’est-ce qu’on mange de bon, ce soir ? J’ai une faim de loup !
- C’est une surprise, dit toujours maman. Un reconstituant pour mes grenouilles.
Quand elle apporte le plat du four, on pousse tous des cris émerveillés comme si on ne s’était douté de rien. Nos diplômes de 25 mètres brasse trônent sur la commode, on se gave de pâte à choux jusqu’à avoir l’estomac qui explose. La croûte craque sous la dent, la pâte chaude fond dans la bouche, on raconte nos exploits nautiques tandis que la pluie fouette les carreaux et que la corne de brume mugit dans le lointain. »