Annie Ernaux ne passe pas inaperçue sur la blogosphère. Elle semble beaucoup lue et très souvent appréciée. Je l’ai découverte à mon tour avec ce petit roman.
La narratrice, une femme d’une quarantaine d’années, raconte une histoire de séparation. C’est elle-même qui a voulu quitter cet homme, W. et cela s’est fait dans les meilleures conditions, les anciens amants se revoyant régulièrement. Cependant, la présence d’une autre femme, la nouvelle compagne de W., a chamboulé la narratrice. « l’existence de cette autre femme a envahi la mienne. Je n’ai plus pensé qu’à travers elle. » Voilà l’explication du titre. Elle imagine l’autre, elle la redoute, la jalouse, la craint, la déteste, elle enquête à son sujet, cherche désespérément à connaître son nom, son visage, elle la voit partout, elle se crée des images d’elle et de lui ensemble. L’autre occupe son esprit en continuité. Il n’y a là que le processus normal et ordinaire suivi par une femme jalouse qui a soif de vengeance, mais il est vrai qu’Ernaux traite le sujet avec une justesse et une vérité assez impressionnantes. Elle dissèque l’état de cette femme, d’elle-même, à travers l’écriture qui a un effet cathartique. Il me semble que ça doit être un brin autobiographique mais je ne connais pas assez Ernaux pour l’affirmer.
J’ai aimé cette lecture, l’écriture surtout m’a emballée mais je suis restée sur ma faim pour trois raisons : la première, c’est que même si le style m’a plu, certains passages frisent la banalité, et d’autres sont gratuitement crus ; ensuite, le côté psychologisant m’agace assez vite en littérature… je lisais ce genre de trucs à la sortie de mon adolescence mais maintenant, je crois que j’ai passé l’âge. Enfin, les petits romans (75 pages, quand même, elle ne s’est pas foulée !) me sortent très rapidement de la tête.
Bilan, donc, relativement mitigé. Je ne le déconseille pas (si vous avez une petite heure à tuer…) mais ne le recommande pas non plus.
Tiens, encore une remarque : la couverture me paraît bien trop angoissante par rapport au contenu, décalage qu’on retrouve dans le titre (désolée, mais je ne peux m’empêcher de penser à la référence historique et cette petite usurpation me dérange).
« Dans le film intérieur que je me déroule habituellement – la figuration de moments agréables à venir, une sortie, des vacances, un dîner d’anniversaire – toute cette autofiction permanente anticipant le plaisir dans une vie normale était remplacée par des images jaillies du dehors qui me vrillaient la poitrine. Je n’étais plus livre de mes rêveries. Je n’étais même plus le sujet de mes représentations. J’étais le squat d’une femme que je n’avais jamais vue. Ou, comme m’avait un jour un Sénégalais à propos de la possession dont il se croyait l’objet de la part d’un ennemi, j’étais « maraboutée ». »