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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 18:18

 

 

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            Il est des livres qu’on avale goulûment comme on se jette sur un plat de spaghettis en cas de fringale, comme on boit un grand verre d’eau fraîche une après-midi de canicule. Et puis, il y a des livres qu’on savoure tel un bon vin, connaissant sa qualité, on s’en délecte doucettement. Mon rapport avec l’œuvre de Gide est ainsi. Je suis en admiration, je me fais toute petite, n’ose lire le roman d’une seule traite pour ne pas le déshonorer…

            C’est Michel, « l’immoraliste ». Il raconte à ses amis (qu’il a fait venir expressément en Tunisie) ses derniers mois de vie, en compagnie de Marceline, son épouse depuis peu. Sans détour, il se livre humblement et sincèrement.

            C’est pour satisfaire un père en fin de vie que Michel a accepté d’épouser Marceline « à peine vingt ans », de quatre ans sa cadette. Pour assouvir une envie de voyage, ces deux orphelins embarquent dans un bateau en direction de l’Afrique du Nord. « Ainsi j’atteignis vingt-cinq ans, n’ayant presque rien regardé que des ruines ou des livres, et ne connaissant rien de la vie ; j’usais dans le travail une ferveur singulière. » Mais Michel, atteint de tuberculose, est de plus en plus affaibli. Après Tunis, le couple s’arrête à Biskra où la convalescence pour Michel se fait longue et pénible. Marceline le soigne tant qu’elle peut, Michel lui en est reconnaissant mais ce sont les jeunes garçons qui l’attirent surtout. Un jour, il surprend Moktir, un beau garçon qui vole une paire de ciseaux. Plutôt que de le dénoncer, le malade explique la perte de l’objet par un vulgaire mensonge car « à partir de ce jour, Moktir devint mon préféré. » Michel envie et admire la jeunesse et la vitalité des gens qui l’entourent. La métamorphose dans son esprit germera lentement pour façonner un nouvel être. « Rien de plus tragique, pour qui crut mourir, qu’une lente convalescence. Après que l’aile de la mort a touché, ce qui paraissait important ne l’est plus ; d’autres choses le sont, qui ne paraissaient pas importantes, ou qu’on ne savait même pas exister. L’amas sur notre esprit de toutes connaissances acquises s’écaille comme un fard et, par places, laisse voir à nu la chair même, l’être authentique qui se cachait. »

            Michel retrouve la santé petit à petit. La découverte des livres, de l’histoire et de la culture laisse place à celle, plus intime, du corps et de la sensualité. « Je me regardai longuement, sans plus de honte aucune, avec joie. Je me trouvais, non pas robuste encore, mais pouvant l’être, harmonieux, sensuel, presque beau. »

            Michel guérit et voyage : Syracuse, l’Italie, la Normandie enfin où il joue au propriétaire de fermes, bien plus intéressé par le quotidien et la virilité de ses employés que par les sinuosités de la comptabilité. Marceline tombe enceinte, Michel en est surpris et heureux. Le terme de la grossesse approchant, le couple s’installe à Paris. Mais Paris, ses obligations, sa vie mondaine, les visites ennuient Michel ; après sa longue maladie, un sentiment d’orgueil l’envahit face à cette envahissante routine. Il se sent autre : « C’était, pour la première fois, la conscience de ma valeur propre : ce qui me séparait, ce qui me distinguait des autres, importait ; ce que personne d’autre que moi ne disait ni ne pouvait dire, c’était ce que j’avais à dire. » Il rencontre Ménalque, épicurien, anti-matérialiste qui l’influencera beaucoup en se moquant du « calme bonheur » familial de Michel. Il passera avec lui une nuit fatidique puisque Marceline, seule dans leur grand appartement, donnera naissance à un enfant mort. Elle tombe malade à son tour, atteinte de tuberculose. Alors que Michel s’évertue au début à soigner sa femme comme elle le faisait quelque temps plus tôt pour lui, il se laisse bien vite gagner par ses envies, par son besoin de bouger, ne tenant pas compte de la nécessité pour Marceline de se reposer. Sorrente, Palerme, Syracuse, la Tunisie. Rien n’est assez beau pour lui, pour elle. Son « entêtement dans le pire » le pousse à organiser un dernier voyage à Touggourt. La chaleur, l’inconfort, le vent auront raison de la fragile santé de Marceline qui mourra sans lui avoir fait de reproches. 

            Michel loue le vice parce qu’il est sincère. Son désir des hommes jeunes et forts constitue le fil directeur du roman, désir qu’il nous livre pourtant en toute innocence, il y a quelque chose d’ingénu dans ses confidences. En filigrane aussi, bien évidemment, l’auteur, atteint de tuberculose lui aussi, se réfugiant auprès des hommes…

 

            Une parole de Ménalque : « C’est du parfait oubli d’hier que je crée la nouvelleté de chaque heure. Jamais, d’avoir été heureux, ne me suffit. Je ne crois pas aux choses mortes, et confond n’être plus, avec n’avoir jamais été. »

            Et encore une belle réflexion sur le souvenir : « Si encore nos médiocres cerveaux savaient bien embaumer les souvenirs ! Mais ceux-ci se conservent mal ; les plus délicats se dépouillent, les plus voluptueux pourrissent ; les plus délicieux sont dangereux dans la suite. Ce dont on se repent était délicieux d’abord. »

Ma passion pour un écrivain peut aller très loin… : Vacances en famille en Normandie. Tout mon petit monde fait un détour à Cuverville  où est enterré Monsieur Gide. Cette escapade sur les routes campagnardes de Seine-Maritime en valait-elle la peine ? Jugez vous-même :

 

 

vio 925    vio 926

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commentaires

A
Bonjour,<br /> En ligne sur mon blog, une fiche de lecture portant sur L'immoraliste d'André Gide : http://100fichesdelecture.blogspot.fr/2015/05/andre-gide-limmoraliste-1902.html
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K
<br /> <br /> Merci ! tu reviens sur mes terres de mon enfance !!! et Gide ..... de vraies "nourritures terrestres" ! merci !<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> je compte bien relire Les Nourritures terrestres, justement. Entre autres.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Tant mieux, j'aurais été déçue du contraire !!! <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> je n'ai lu que les caves du Vatican, j'avais bien aimé . J'essaierai les faux-monnayeurs. Je te dirai. En tout cas, il vaut mieux que tu ne te passionnes pas pour un auteur...Australien !!! ça<br /> fait loin pour la visite des lieux !!! <br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> tu vas te marrer, j'avais le coeur qui battait plus fort à l'arrivée au cimetière...<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> <br /> Cela fait bien longtemps que je n'ai pas lu ou relu des écrits d'André Gide ... <br /> <br /> <br /> Mon pére aimait beaucoup et les avait tous dans sa bibliothéque et du coup, j'en ai lu très tôt ... <br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> certains livres peuvent se lire à différents niveaux d'interprétation. Donc, pourquoi pas commencer tôt :)<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Quel billet élogieux ! Je te comprends tout à fait : j'ai le même sentiment face aux livres d'Alberto Manguel...<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> ... que je ne connais pas! j'irai le voir un de ces quatre ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> Honte à moi! Je n'ai jamais rien lu de cet auteur!<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Les Faux-Monnayeurs c'est pour moi LE livre, et je te conseillerai de commencer par là...<br /> <br /> <br /> <br />

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