Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas lu de roman de mon cher Irving ! Quel bonheur de retrouver son univers !
Fred est un gars atypique, il est déjà affublé de plusieurs surnoms pas vraiment flatteurs (Bogus = bidon ; Boggle = patauger ; Trumper = trompeur), ensuite il a du mal à rester fidèle, à garder un boulot, à se souvenir de ce qu’il a fait la veille, à être stable, tout simplement. On obtient donc un cocktail assez pimenté et rythmé de ses aventures.
On rit et on sourit pas mal dans ce livre, et même si ça fait un peu fouillis-fouillis par moments (faut excuser John, c’est son deuxième roman), la ligne conduite que l’auteur semble s’être donné pour toute son œuvre est déjà bien ancrée dans les pages. Le personnage principal est une sorte de pantin malmené par les aléas de la vie dont il ne semble pas vraiment maîtriser les ficelles. Il écrit, comme d’autres personnages d’Irving (avec une petite mise en abyme qui ne gâche rien…), une thèse obscure sur une traduction d’une histoire en nordique primitif inférieur. Il souffre d’un urètre trop étroit, son urologue (français !) lui prescrit de boire beaucoup d’eau (d’où le titre) avant d’opter pour une opération qui filera la trouille à notre héros pas vraiment héros… Le corps et la sexualité sont tournés en ridicule. Exemple avec la première rencontre physique avec sa femme, Biggie, une grande skieuse allemande, exagérément musclée. Elle garde ses chaussettes au lit, lui colle involontairement son chewing-gum dans les cheveux et ils produiront tous deux de telles odeurs qu’un copain, peu dupe, appellera la voiture où ils se trouveront quelques heures plus tard « le vagin humide »…
Pas le meilleur Irving, ça ne vaut pas Dernière nuit à Twisted River, mais un bon moment passé à être … ailleurs.
Un extrait (long ! allez, c’est encore un peu Noël !)… ou quand Bogus s’essaye au ski (planquez-vous !) : « J’éprouvai alors la surprise de ma vie : les skis peuvent escalader. Je bondissais au-dessus du mur. Je volais au-dessus du parking. Pendant ma descente, je vis juste en dessous de moi une famille de robustes Allemands qui sortaient de leur Mercedes. Papa Cochon en pantalon de cuir épais, avec chapeau tyrolien orné d’une plume ; Maman Truie en bottillons fourrés, balançant une canne à pointe d’acier ; les rejetons, Nif-Nif, Naf-Naf et Nouf-Nouf, chargés à pleins bras de sac à dos, de souliers cloutés et de bâtons de ski. Le coffre grand ouvert de la Mercedes n’attendait que moi. La gueule d’une énorme baleine attendant la friandise d’un poisson volant. Dans les mâchoires de la Mort !
Mais Papa Cochon, ce robuste Allemand, fermait précisément son coffre…
… pour la suite, je suis obligé de m’en remettre au récit de Merrill Overturf. Je me rappelle seulement un atterrissage étrangement doux, résultat de ma rencontre douillette et charnelle avec Maman Truie, servant d’édredon entre ma personne et le pare-chocs arrière de la Mercedes. Ses mots tendres me firent chaud aux oreilles : « Haaarf ! » et « Hrumpfff », tandis que Nif-Nif se tétanisait, Naf-Naf laissait tomber son chargement sur Nouf-Nouf, dont le hurlement assourdissant parvint à traverser l’avalanche de sac à dos, de godasses et de bâtons sous laquelle il gisait.
Merrill me raconta que Père Cochon scrutait les cieux convaincu d’une attaque de la Luftwaffe»
et je n'oublie pas l'excellent challenge de Miss Valérie !
et j'attribue la note de 3.5/5 à ce roman!