Je vous rappelle que j’ai surtout créé ce blog pour me souvenir de mes lectures, bref, garder une trace du bouquin que j’avais tenu quelques heures entre mes mains… car j’ai une mémoire de poisson rouge ! eh oui ! La preuve, là, tout de suite, maintenant. J’ai lu ce très bon roman, L’Enfant de Noé, et il m’a tout de même fallu une vingtaine de pages avant de me dire « tiens, cette histoire me rappelle quelque chose… ? » puis encore une dizaine de pages avant de m’écrier, tout intérieurement « Mais bon sang de bonsoir (c’est pour rester poli), je l’ai déjà lu ce livre ! » !!! Relecture, donc. Toute relative puisque je n’avais rien retenu. C’est à se poser des questions sur l’intérêt de la lecture (oui, y’a le plaisir, bien sûr, mais quand on ne retient d’une bonne centaine de pages qu’une vague impression, ça la fout mal…)
Venons-en enfin à l’intrigue de ce petit roman d’un auteur qui fut un de mes chouchous à une époque bien révolue mais dont j’ai retrouvé ici tout ce que j’aime. Deuxième guerre mondiale. Belgique. Le pronom « je » désigne Joseph, un enfant juif de 7 ans caché par ses parents chez la comtesse de Sully qui elle-même l’enverra plus en sécurité dans un orphelinat dirigé par le père Pons. Joseph se lie immédiatement d’amitié avec un plus grand, Rudy. Ensemble ils tentent de percer le secret du père Pons : celui-ci se rend tous les soirs de 21h30 à minuit dans la crypte d’une chapelle. Qu’y fait-il ? Il mange en cachette ? il reçoit des informations sur un émetteur radio ? il fait du marché noir ? Rien de tout cela. Le père Pons est un collectionneur : par crainte de voir la culture juive s’éteindre, il récolte tous les objets appartenant à la religion juive. Le dénouement est heureux puisque Joseph retrouve ses parents, il conserve l’amitié de Rudy et du père Pons qui continuera, jusqu’à la fin de ses jours, à « collectionner » des objets (ceux des Indiens d’Amérique, ceux du Vietnam, ceux des moines tibétains, …) pour garder une mémoire vive et concrète des peuples en voie de disparition.
Très accessible, ce roman s’adresse autant aux adolescents qu’aux grands. Comme toujours chez E.-E. Schmitt, des réflexions parcourent la petite histoire : une jolie comparaison christianisme/judaïsme, les thèmes de la résistance, de l’amitié, de la mémoire, de l’enfance, … L’humour omniprésent couronne rondement le tout. Une mention particulière pour cette pharmacienne rustre et laide, Mademoiselle Marcelle, alias « Sacrebleu », qui, sous ses allures grognonnes, sauve quotidiennement des enfants des mains nazies.
Comme souvent aussi chez l’écrivain, c’est le côté légèrement idéaliste, utopiste, presque moraliste qui m’a incommodée. Tout est bien qui finit bien. Rudy le cancre maladroit devient un très bon élève après la guerre, le père Pons continue ses collections, le narrateur, après avoir rejeté sa religion juive, la pratique avec constance. Joseph était le petit chouchou, ses camarades et lui furent sauvés par un Allemand conciliant. Sans parler de réels clichés, l’auteur a écrit un conte avec tout ce qui va avec, des gentils, des méchants, une fin heureuse, etc. Mais c’est Schmitt, on le connaît. Il a cependant fait mieux ailleurs.
Un auto-portrait de Rudy-pas-de-chance : « S’il y a un caillou dans les lentilles, c’est pour moi. Si une chaise doit se briser, c’est sous moi. Si un avion tombe, c’est sur moi. J’ai la poisse et je porte la poisse. Le jour de ma naissance, mon père a perdu son emploi et ma mère a commencé à pleurer. Si tu me confies une plante, elle crève. Si tu me prêtes un vélo, il crève aussi. J’ai les doigts de la mort. Quand les étoiles me regardent, elles frissonnent. Quand à la lune, elle sert les fesses. »
Et d’autres citations … assez emblématiques du roman :
- « Alors, un chrétien, c’est un juif qui a cessé d’attendre ? »
- « Dieu a créé l’univers une fois pour toutes. Il a fabriqué l’instinct et l’intelligence afin que nous nous débrouillions sans lui. »
- « Une religion n’est ni vraie ni fausse, elle propose une façon de vivre. »