D’habitude, j’évite ce genre de bouquin qui a plutôt tendance à m’ennuyer. Effectivement, même s’il se revendique être un « récit », L’écologie en bas de chez moi s’apparente à un essai puisqu’il nous propose une réflexion toute personnelle d’un thème relativement, non pas relativement, extrêmement tendance : l’écologie. C’est donc la quatrième de couverture qui m’a titillée :
« Un voisin durable, c'est un voisin qui trie ses déchets et me surveille pour que j'en fasse autant. Une amitié durable, c'est une amitié où l'on ne met pas en danger l'avenir de la planète, même en paroles. On évite d'aborder les sujets qui fâchent. On gobe le discours moralisateur avec le sourire. On accepte l'opportunisme marchand en ouvrant son portefeuille. On se garde de penser sans gourou, sans nounou. On se retient. Ce livre raconte comment je ne me suis pas retenu. »
L’auteur se fait ennemi n°1 d’un peu tout le monde en se revendiquant sceptique quant à la théorie du réchauffement climatique, fainéant face au tri sélectif, lassé et même exaspéré de l’ampleur médiatique de tout ce qui est « durable ». Le pompon pour lui c’est la diffusion massive du film Home.
« Combien de fois nous l’a-t-on faite ?... hein ?... dites-le moi… sans parler des sectes…. Depuis le livre d’Enoch… le livre de Daniel… depuis les visions de Jean… la grande peur de l’An Mil… Nostradamus… le bug de l’an 2000… […] La glaciation… Rappelez-vous, la hantise des seventies. Vous n’étiez pas né peut-être… De sombres articles prévoient une baisse de l’ensoleillement suivie d’une chute des températures sur l’hémisphère Nord, d’où récoltes catastrophiques et famine. »
Iegor Gran manie avec brio l’humour noir et il a trouvé un terrain parfait pour se faire le maître de la provocation et déchaîner des réactions virulentes. Il nous explique donc que son meilleur ami s’éloigne de lui, ne comprenant pas ses visions anti-écolo. Car voilà bien un sujet avec lequel on ne plaisante pas. L’écologie et le développement durable sont souvent comparés à une religion et Yann Artus-Bertrand et Nicolas Hulot, souvent pointés du doigt, apparaissent comme des gourous, des messies, venus prêcher la bonne parole : « Yann-Dieu égrène sa vision binaire : homme-mauvais, Terre-jolie. Homme-parasite, Terre – richesse. Terre-notre maman adorée, homme – blatte. » Vous avouerez qu’il n’a pas tort. Les écolos exagèrent et en guise de réponse, Iegor Gran exagère aussi.
Ne faisant partie ni d’un clan ni de l’autre, j’achète du bio mais pas que, je trie mes déchets mais ne vais pas me rendre malade si un morceau de carton tombe dans la poubelle « normale », mon regard a justement été happé récemment par ce durable-à-tout-à-prix. J’ai vu, sur un de ces coffrets bébé qu’on offre aux mamans à la maternité, l’expression « Naturellement bébé ». La formulation, déjà, est plus que douteuse (y’a-t-il des bébés non naturels ? comment le petit être fait-il pour être naturellement un bébé ? (ou pas ?) ne serait-ce pas un pléonasme ?) et quand on creuse un peu, ce n’est tout de même pas le bébé lui-même qui est bio ou pas bio et ce n’est pas la mini couche de lotion ou la Pampers portée quelques années qui vont le transformer en être pollué et pollueur.
L’écologie est un marché, une mode, un incontournable des années 2000. Sans être aussi cynique que Iegor Gran, j’ai moi aussi été surprise, mal à l’aise même, du battage médiatique à la sortie du film Home, devant lequel les gens semblaient perdre tout jugement personnel, tout individualisme. On se demande si effectivement, il ne fallait pas dire Amen dans les dernières minutes de visionnage.
J’ai beaucoup ri en lisant ce livre, certaines citations des écolos sont à mourir de rire, c’est surtout 365 gestes pour sauver la planète qui détient le record d’inepties : « Économisez l’eau de la chasse d’eau. En plaçant une brique dans le réservoir des W.-C., vous réduirez le volume évacué de chaque utilisation et pouvez épargner jusqu’à 4000 litres par an. » Sous-note : l’ONG brésilienne SOS Forêt atlantique milite pour inciter à faire pipi dans la douche : si toute la famille s’y met, on pourrait économiser 12 litres d’eau par jour et par foyer ».
Ca fait du bien de lire quelque chose à contre-courant, voilà un mouton qui n’appartient pas à Panurge et qui réveille nos consciences parfois endormies, qui nous donne un autre son de cloche et permet d’ouvrir les yeux sur des infos qui, certainement ridicules, frisent parfois la démence et l’indécence : parler de voiture bio et de tourisme bio, par exemple.
L’auteur, pour provoquer ce réveil des consciences est bien obligé d’utiliser la manière forte : cynisme, ironie et satire et autodérision aussi, je crois. Ca ne fait que décupler le plaisir du lecteur.