J’avais aimé Les Déferlantes, j’avais adoré Seule Venise. J’ai été déçue par ce dernier roman de Gallay. Est-ce dû à ma dernière lecture ? Il est vrai qu’après l’écriture bariolée et rassasiante de Grangé, j’ai ressenti le besoin de combler les blancs chez Gallay. L’écriture m’a paru dépouillée, presque décharnée.
Les ingrédients étaient à ma convenance : Avignon, le théâtre, les coulisses du théâtre et la vie au cœur même d’une petite troupe ; des références cultes : Ferré, Calder, Willy Ronis, Gérard Philippe, Le Cid. Bien sûr que je m’en suis délectée mais c’est encore une histoire de femme seule (ou femmes seules) au comportement atypique (j’aime un homme mais je le quitte – je pourrais être heureuse mais j’ai choisi le malheur). Trop de points communs peut-être par rapport aux autres romans du même auteur.
Deux destins de femme : la première, Marie, est une écorchée d’une vingtaine d’années, vagabonde, maigre, remarquable par ses piercings (c’est elle qui fait la couverture du roman), elle n’a qu’une idée en tête : honorer la mémoire de son frère mort cinq ans auparavant. Paul Selliès, dramaturge, avait fait parvenir deux manuscrits à Odon, directeur d’un petit théâtre. Sans réponse, le jeune homme s’est donné la mort. Marie veut savoir. Nuit rouge, la deuxième pièce est montée cette année.
La seconde femme est une célébrité dans le monde du théâtre : Mathilde – nom de scène la Jogar. Elle a vécu en Avignon, a été l’amante passionnée d’Odon, a quitté les remparts pour revenir, cette année uniquement.
Les deux femmes se croisent grâce et par le mort. La Jogar, a plagié le premier texte de Paul Selliès, Anamorphose. C’était ça ou la poubelle et elle trouvait qu’il valait la peine d’être joué. Marie ne comprend pas, pour elle, son frère est mort une deuxième fois. Elle se bat à la façon d’une petite Antigone pour le faire revivre, comme « un animal pris derrière les barreaux. »
Ce qui aurait pu être une farce ou une supercherie devient une tragédie. La chaleur de la ville et les intermittents en grève viennent englober ces êtres tristes et leurs demi-vies. C’est mon impression, chaque personnage se contente d’une moitié ou de moins encore : La Jogar et Odon renoncent à leur amour, Marie renonce à la vie…
Certains passages, comme le prouvent les extraits ci-dessous, ont retenti en moi, c’est plutôt l’ensemble de l’œuvre, le tout, l’unité, que j’ai eu du mal à cueillir comme il l’aurait fallu.
« L’amour est une île, quand on part on ne revient pas. »
« La passion est un fruit à croissance rapide, il retombe vite et … pourrit ».
« Vieillir, ce n’est rien quand on se souvient. C’est l’oubli qui fait la souffrance ».
« Deux Japonaises patientent sur le pas de la porte. Leur peau est blanche. Elles regardent le soleil comme on regarde tomber la pluie. Sans oser sortir. Elles échangent quelques mots dans une langue qui ressemble à de la musique. Soudain, elles se lancent, le cou rentré, en tirant sur leurs épaules un mince gilet de coton qui leur sert de protection. Elles traversent la place, le soleil est partout et leurs pieds courent dans ce qui ressemble à une gigantesque flaque. » On dirait du Delerm, non ?