Première lecture pour moi de Fitzgerald, à moins d’avoir oublié un ou deux bouquins lus, ce qui ne m’étonnerait pas… Sinon, Fitzgerald me rappelle aussi la fac où je m’évertuais à traduire certains extraits. Ayant maintenant lu le livre dans son intégralité, je comprends pourquoi je ramais tant.
J’ai été surprise plus d’une fois. Le style d’abord. Raffiné, surprenant mais aussi parfois légèrement opaque. Disons que ce n’est pas une lecture de plage, en tous cas, pas pour moi.
Gastby le Magnifique porte bien son nom : il est beau, jeune et surtout si riche qu’il peut se permettre d’organiser des réceptions mondaines tous les soirs pour des gens qu’il ne connaît pas. Le narrateur est son voisin, Nick Carraway. Il découvre Gatsby en même temps que le lecteur et cet être qui a-tout-pour-être-heureux se révèle mélancolique et solitaire. Pourquoi ? Un ancien amour qu’il veut reconquérir : Daisy. La jeune femme, cousine de Nick, est mariée à un homme riche lui aussi, Tom, qui la trompe. Daisy et Jay Gatsby ont été amants mais elle l’a quitté parce qu’il n’avait pas un sou. Donc, le richissime Gatsby revient à la charge et dépose sa fortune aux pieds de la belle. Mais tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
L’intrigue m’a surprise aussi, elle avance tout en restant assez statique. Les personnages semblent être figés dans un carcan insaisissable et, après avoir refermé le roman, on ne peut que s’écœurer du luxe et de l’extravagance qui, dans le livre en tous cas, n’attirent que le malheur. Le roman s’achève par une double tragédie : la maîtresse de Tom mourra écrasée par la voiture conduite par Daisy, et Gatsby le Magnifique sera tué par le mari de cette maîtresse qui prenait l’homme pour responsable de la mort de sa femme.
Le style ne laisse pas le lecteur en repos, Fitzgerald aime les alliances de mots surprenantes en évoquant une femme « criarde, apathique, ravissante et atroce » ou « l’obscurité impatiente ». Le début du roman comporte quelques dialogues parsemés de verbes de parole qui exprime l’étonnement : les personnages répondent « d’une façon imprévue », sont stupéfaits par le ton de voix de leur interlocuteur, etc. Effet de ricochets, le lecteur s’étonne lui aussi. Une œuvre très riche pour un univers éthéré, retouché, superficiel et en état d’ébriété constant.
La liste de mes extraits préférés pourrait prendre des pages et des pages. Une petite sélection :
Ø Fitzgerald excelle dans l’art de brosser des portraits dont la lecture m’a émerveillée : « Je revins vers ma cousine qui, d’une voix sourde, envoûtante, me posa diverses questions. C’était l’une de ces voix dont l’oreille épouse chaque modulation, car elles improvisent de phrase en phrase une suite d’accords de hasard que personne jamais ne rejouera plus. Son visage était triste et tendre avec de beaux éclats, l’éclat du regard, l’éclat brûlant des lèvres _ mais on percevait dans sa voix une note d’excitation dont les hommes qui l’ont aimée se souviendront toujours ; une vibration musicale, une exigence impérieuse et chuchotée : « Ecoutez-moi, écoutez-moi ! », l’assurance qu’elle venait tout juste de vivre des instants radieux, magiques te que l’heure suivante lui en réservait d’autres, tout aussi magique et radieux. »
Ø La rencontre entre Nick et l’aura magique de Gatsby : « Il me sourit avec une sorte de complicité – qui allait au-delà de la complicité. L’un de ces sourires singuliers qu’on ne rencontre que cinq ou six fois dans une vie, et qui vous rassure à jamais. Qui, après avoir jaugé – ou feint peut-être de jauger – le genre humain dans son ensemble, choisit de s’adresser à vous, poussé par un irrésistible préjugé favorable à votre égard. Qui vous comprend dans la mesure exacte où vous souhaitiez qu’on vous comprenne, qui croit en vous comme vous aimeriez croire en vous-même, qui vous assure que l’impression que vous donnez est celle que vous souhaitez donner, celle d’être au meilleur de vous-même. »
Ø Gatsby ou le pouvoir du rêve – un si joli passage plein de poésie !« par moments peut-être au cours de cette après-midi Daisy s'était-elle montrée inférieure à ses rêves - mais elle n'était pas fautive. Cela tenait à la colossale vigueur de son aptitude à rêver. Il l'avait projetée au-delà de Daisy, au delà de tout. Il s'y était voué lui-même avec une passion d'inventeur, modifiant, amplifiant, décorant ses chimères de la moindre parure scintillante qui passait à sa portée. Ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu'enferme un homme dans les illusions de son cœur »