Après la lecture de En un monde parfait, je m’étais fait la promesse de ne pas laisser cet auteur sur le bord de la route (on dirait qu’elle a besoin de moi !). J’ai profité de la sortie de son dernier roman pour redécouvrir le style de Laura Kasischke.
Holly se réveille, un matin de Noël, dans sa maison des Etats-Unis. Elle a dormi trop longtemps après avoir abusé, la veille, du lait de poule au rhum. Elle secoue son mari, Eric, qui lui non plus n’est pas encore levé et qui doit se presser de chercher ses parents à l’aéroport. Holly n’est pas fan des matins de Noël car ça fait une bonne dizaine d’années qu’elle est obligée d’inviter les mêmes convives. Depuis l’adoption de sa fille, en fait.
Sa fille adoptive, Tatiana, a été recueillie par Holly et Eric dans un orphelinat de Sibérie. Ils ont beaucoup de chance, c’est une fille, désormais adolescente, d’une grande beauté, avec de grands yeux et de magnifiques cheveux. Elle est aimante et adorable mais, ce matin de Noël, elle fait preuve d’une étonnante insolence et adopte un comportement étrange… tout est d’ailleurs étrange, ce jour-là. Il neige des quantités phénoménales qui empêchent non seulement le retour d’Eric mais également la venue des invités. Holly traîne et n’arrive à rien, se laissant hanter par cette phrase entêtante : « Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux ! ». Le tête-à-tête inattendu avec sa fille prendra des tournures pernicieuses.
A travers des digressions et des retours en arrière qui permettent au lecteur de comprendre, doucettement, l’histoire de la famille, le passé d’Holly et sa rencontre avec sa future fille, ce thriller psychologique m’a littéralement scotchée à la page. Le rythme du début est lent, et comme j’avais déjà pu m’en apercevoir pour En un monde parfait, ce qui est raconté semble banal, quotidien mais une once d’angoisse s’infiltre entre les mots, angoisse qui grandira au fil des pages. L’écriture est hypnotique, elle nous prend à la gorge comme dans un conte maléfique. Voilà un livre qu’on n’oublie de si vite ! Kasischke est effectivement un grand auteur au talent incontestable ! A lire !
« Tous les secrets ne devraient pas être révélés. Tous les mystères ne devaient pas être résolus. »
« Etait-ce en Sibérie que la chose sur le poing d’Eric avait commencé de germer, de pousser juste sous sa peau ? Holly se rappelait vaguement qu’une de ces infirmières à l’orphelinat Pokrovka n°2, peut-être Theodota elle-même, avait jeté un regard appuyé vers sa main, secouant la tête, essayant de lui communiquer quelque chose en s’exprimant lentement et prudemment en russe, sans qu’Eric ni Holly ne comprennent un mot. »
Et cette thérapie un peu particulière pour oublier les événements négatifs de sa vie : « Elle avait demandé à Holly de porter un élastique en caoutchouc autour du poignet et lui avait dit que, chaque fois que les derniers jours de Janet ou le suicide de Mélissa lui venaient à l’esprit, Holly devait faire claquer l’élastique contre sa peau, et penser à autre chose. Et c’était incroyable, mais cela avait fonctionné. »