Première approche d’un auteur qui a plutôt le vent en poupe sur la blogosphère ces derniers mois.
Jiselle est une charmante hôtesse de l’air, un peu triste d’être encore célibataire à trente passés. Un jour, un petit miracle se produit : le beau et charismatique Mark Dorn, ce pilote veuf et adulé de toutes les femmes, s’intéresse à elle. Bien plus, les deux filent le parfait amour et se marient rapidement. Mais (vous vous doutez bien qu’il ne peut y avoir qu’un « mais » lourd comme pavé) Mark est veuf et a trois enfants. Jiselle s’installe dans la grande maison familiale et, bon gré, mal gré, délaisse son métier pour s’occuper de ses beaux-enfants. Là encore, point de surprise : ça se passe relativement mal avec les deux jeunes adolescentes mais Sam, le petit dernier, apprécie Jiselle. Mark, toujours dans les airs, aux quatre coins du globe, ne fait que de brèves apparitions.
Cet équilibre déjà bien instable se voit complètement chamboulé lorsque les événements nationaux (nous sommes aux Etats-Unis…) et internationaux s’accélèrent. Une épidémie de grippe sévit. Elle prend de telles proportions qu’elle est comparée à la propagation de la peste et constitue une menace sur le bon fonctionnement du pays : coupures d’électricité, invasions d’oiseaux, gens qui meurent rapidement puis vivres qui viennent à manquer, essence inexistante. Mark, un jour est « retenu » en Allemagne. Il ne donne des nouvelles que par téléphone, coups de fil à chaque fois plus brefs.
Je suis passée par plusieurs phases, une grande excitation pour ce début pourtant digne des romans de Mary Higgins Clark (le mariage parfait avec le bel éphèbe ne manque jamais de capoter…), de l’étonnement et de la curiosité à l’apparition des premiers symptômes (l’auteur ne manque pas d’humour, Britney Spears est une des premières star à succomber à l’étrange maladie) puis une légère lassitude, l’impression de nager dans des eaux stagnantes, l’électricité est coupée, les gens meurent, il faut trouver de quoi se nourrir, l’électricité est rétablie, elle est à nouveau coupée, … et puis, l’impression que l’écrivain ne sait pas où elle veut aller : mariage ratée ou récit de fin du monde ? … et enfin, une belle, belle surprise. Ce roman aux accents apocalyptiques se termine par une jolie note positivement humaine où notre société de consommation est mise à mal pour être définitivement tuée.
Phénomène troublant également : la distance de Jiselle par rapport à tout ce qui lui arrive, elle n’a pas envie de fuir (je crois bien que je l’aurais fait à sa place !), elle est touchée mais de loin par les événements. Autre chose : l’exclusion des Etats-Unis, ce pays considéré comme responsable de la propagation de l’épidémie. Vous l’avez compris, ce roman est dense et riche.
Je poursuivrai ma découverte des écrits de Kasischke, c’est sûr.
Un extrait, pris plus ou moins au hasard : « Les gazons naguère impeccablement bordés de pétunias et d’impatiences, les jardins piquetés de pensées, étaient méconnaissables. Herbe et mauvaises herbes s’élevaient à hauteru de hanche. Les pétunias étaient mangés de sumac vénéneux. Les si domestiques pensées s’entremêlaient de fleurs sauvages, chardons t liserons. Au moment où elle ralentissait pour se conformer à la limitation des quarante kilomètres par heure, Jiselle avisa sur une véranda un fauteuil à bascule complètement recouvert par une plante grimpante portant des fleurs effilées violettes comme elle n’en avait jamais vu. Les jardinières des appuis de fenêtre vomissaient leur contenu en longs cordons feuillus et fleuris qui pendaient le longe des murs. Toutes les automobiles étaient stationnées et il n’y avait personne sur les trottoirs ni à proximité des maisons. »