Ça fait bien trois ans que je n’avais plus mis les pieds dans l’univers de Michel Quint. Les retrouvailles avec cet auteur que je considérais comme un de mes préférés, furent savoureuses.
Lille, un mois d’avril étonnamment caniculaire. Jules, trente-deux ans, considéré par sa mère comme un bon à rien, tombe amoureux de la jolie Lisa alors qu’il pose du parquet dans les parties communes de son immeuble. Lisa, elle, s’adonne à une activité un peu particulière puisqu’elle colle des affichettes avec la photo de son frère disparu, Sébastien Arnoux. Jules abandonne tout pour l’aider. La police se moque de cette histoire de disparition puisque le type en question n’a plus donné signe de vie depuis trois jours seulement, qu’il est adulte, riche, beau et célèbre (joueur de foot dans l’équipe de France junior). Oui, mais Lisa, même si elle n’était pas très proche de son frère adepte de la luxure et des parties fines, sait qu’il s’est passé quelque chose de grave.
On retrouve effectivement le cadavre de Sébastien, repêché dans la Deûle quelques jours plus tard. Parce qu’il était ivre et qu’il avait la braguette ouverte, la police conclut à un accident stupide, le footballeur serait tombé dans l’eau en voulant faire pipi… Pourtant, Lisa et Jules sentent que cette mort n’est pas le fruit du hasard. Les personnages secondaires vont éclairer leur lanterne : Monsieur Dimanche, le protecteur des prostituées et son douloureux passé ; Emma, la cousine de Jules, homosexuelle et retrouvée dans des situations compromettantes sur des photos dans l’ordinateur de Sébastien ; l’oncle et la tante de Jules toujours si étrangement proches de la mère de Jules…
Ce roman qu’on devine policier au fur et à mesure qu’on avance dans l’intrigue, est riche par la diversité de ses thèmes : l’amour (et j’adore quand Michel Quint parle d’amour… d’ailleurs ce petit Jules, bricoleur- dégaine de voyou – grand lecteur – cruciverbiste, devrait plaire à plus d’une !), la prostitution, la quête d’identité (Jules n’a jamais connu son vrai père et toute son existence a résonné comme un reproche dans la bouche de sa mère), la corruption… Mais Michel Quint rend surtout hommage à un fait divers tragique : en 2010 et 2011, quatre corps de jeunes personnes ont été retrouvés noyés dans la Deûle, à Lille. Avant la découverte de la mort, il y a la disparition accompagnée de la sourde angoisse pour les proches.
J’ai aimé ce livre, cette alliance d’amour et de tragique, cette course contre la montre dans un Lille torride, j’ai aimé retrouver l’écriture de Quint qui n’affectionne pas beaucoup les virgules, ce mélange d’argot et de langage soutenu, ces mots, ces métaphores, ces comparaisons avec lesquels il jongle si bien. Tout ne m’a pas plu, les passages sur le foot ou la Camorra notamment m’ont plutôt ennuyée mais le style est si enlevé, poétique à souhait qu’il fait oublier ces détails et nous emmène… par-dessus les étoiles !
> « Si le sentiment est devenu une fonction glandulaire, on est tous morts ! »
> L’engouement pours les usines désaffectées : « C’est curieux, maintenant, que le travail manque, les petit-bourgeois, les nouveaux riches raffolent des lieux où le prolétariat urbain a usé sa vie. Comme s’ils avaient besoin d’un monument pour se souvenir aujourd’hui que le boulot est devenu souvent virtuel, rarement salissant, que la classe ouvrière s’est éteinte. Les mains ne servent plus à rien, elles ne sont plus bonnes qu’au macramé, à l’art du bouquet, à cuisiner joli, singer les maîtres queux, et se fourrer les doigts dans le nez. »
> Jules parle de sa relation avec Lisa :« Elle est devant moi, sur fond de la brumasse de dehors, saloperie de printemps, j’entends son souffle soucieux et la vois désorientée. Et qu’elle commence à se reposer sur moi, si si, je sens bien une sorte de confiance en mes capacités qui lui vient doucement, un type qui pose du parquet c’est du solide. Flatteur mais je ne suis pas à la hauteur, maman me le répète assez, et puis je suis lucide. L’occuper, je peux, surtout ce sera un alibi pour ne pas la quitter. Pas que je l’aime, pas i vite, la foudre c’est du roman, j’ai juste bizarre dans le jarret quand je la regarde et du plaisir à savoir qu’elle existe, Lisa. Le plus souvent, je suis dans la doublure de la vie qui va. »
Mon préféré de Michel Quint : Et mon mal est délicieux