Roman relu pour la 3ème fois, et qui sera étudié pour et avec (surtout avec, j’espère !) mes chers troisièmes que je n’ai pas encore eu le privilège de rencontrer.
Pour moi, la lecture de ce livre est un réel plaisir. Il n’est pas autobiographique, Michel Quint nous rappelle même que c’est une fiction « à 95% », mais s’apparenterait plutôt à une autofiction, c’est-à-dire que certains éléments sont bien réels, voire historiques et d’autres, complètement inventés.
Le narrateur a honte de son père. Honte de son père qui régulièrement se déguise en clown pour amuser et divertir les anniversaires, les fêtes d’entreprises, les kermesses. Les descriptions ne sont pas tendres : « Larges tatanes, pif rouge, et tout un fourbi bricolé de ses vieux costumes, des ustensiles de cuisine mis au rencard (…) dans un numéro pathétique de niais solitaire contraint de s’infliger tout seul des baffes et des coups de pieds au cul ». Tout le roman est comme ça, drôle à souhait, à la fois cru, familier et très littéraire.
Mais pourquoi ce père se prend-il pour un clown ? C’est l’oncle Gaston qui va raconter, dans un langage fleuri, l’épopée de deux soldats français sauvés, pendant la 2ème guerre mondiale, par un soldat allemand, un « soldat-clown ». Ce soldat n’est autre que Bernhard Wicki, le réalisateur du film Le Pont. Le narrateur va alors comprendre que son père est un héros, lui aussi, qui rend hommage à l’homme qui les a sauvés, lui et Gaston. Ce livre fait aussi un magnifique bras d’honneur au manichéisme… non, tous les Allemands n’étaient pas des ordures, non, tout n’est pas tout blanc ou tout noir… Un Allemand au grand cœur (Bernd), un Français qui est une ordure (Papon).
A lire absolument, c’est court, lu en 1h. Simple mais noble, fort et émouvant.
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Michel Quint est un ancien prof de lettres classiques qui s'est d'abord tourné vers le théâtre avant d'écrire quelques romans noirs et de recevoir, en 1989, le Grand prix de la littérature policière pour Billard à l'étage. Dans Aimer à peine (2002), on retrouve le narrateur d'Effroyables jardins.
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Jean Becker s'est inspiré d'Effroyables jardins pour en faire un film, sorti en 2003, avec les célèbres Thierry Lhermitte, Jacques Villeret, et André Dussollier. La version cinématographique, forcément, rallonge la sauce par rapport au livre. Mais certaines modifications m’ont gênée : les références au procès Papon sont complètement absentes, l’histoire d’amour est tronquée (dans le livre elle semblait extraordinaire, dans le film elle a un caractère très banal) et pourquoi ceux qui devaient être Gaston et Nicole dans le film sont-ils si âgés ? La dichotomie pitrerie/tragique est souvent trop marquée. Le personnage interprété par Thierry Lhermitte, est, d’après moi, inutile. On passe un bon moment, les scènes qui sont tournées dans la fosse et l’arrestation sont assez réussies mais c’est toujours pareil : après le livre, le film déçoit. Je comprends que Jean Becker ait dû étoffer l’histoire pour « tenir » 1h30 mais il n’aurait pas dû effectuer certains changements. Peut-être a-t-il fait ce choix pour que le film soit « grand public » ? … ou pour éviter toute polémique (d’où le mutisme au sujet de Papon) ? Dommage !
Des changements mineurs et somme toute insignifiants m’ont fait sourire : les quatre prisonniers se connaissent grâce à l’équipe de foot dans le roman, dans le film ce sont les parties de pétanques qui constituent leur point commun. C’est sûr, la pétanque fait plus pittoresque, plus vieillot, plus « France profonde » que le foot !
Bref, lisez d’abord le livre !