Après Marius, après Fanny, c’est César qui est à l’honneur dans ce troisième opus de la trilogie marseillaise… et pourtant, il s’agit plutôt de Panisse dans une bonne partie de la pièce. Vingt ans ont passé depuis la naissance du fils de Fanny et Marius et le mariage de Fanny et Panisse. Ce dernier est mourant, il demande, avant de rendre l’âme que la vérité soit dite à Césariot, le « fils » qu’il a toujours chéri. Le jeune homme, qui mène des études brillantes, réagit comme chacun réagirait sans doute à l’annonce d’une telle nouvelle : il désire rencontrer son père, Marius. Il s’en va donc à Toulon puisque Marius avait rompu tout lien avec son père et avec Fanny, dans le petit garage où il est mécanicien.
Il est question d’honneur et d’honnêteté… qui est ce père dont Césariot entendait parfois parler ? Pourquoi Fanny a-t-elle l’air si bouleversé quand elle le voit ? Des retrouvailles entre les deux anciens amants sont-elles encore possibles ?
J’ai tout d’abord été émue de retrouver les personnages vingt ans plus tard, Fanny toujours belle mais vieillissante, Césariot beau jeune homme… et Panisse qui n’est plus. La première partie de cartes jouée après sa mort, sans lui, mais où les cartes lui sont tout de même distribuées, est un passage touchant. Le mort gagne haut la main, quel bel hommage !
On devine bien sûr la fin, et la pièce, toutefois, se déroule dans une langueur délectable. L’humour accompagne les moments de tendresse, la sincérité côtoie les mensonges jamais bien méchants. Pagnol a écrit ce troisième volet en ayant l’idée en tête de le filmer. On comprend mieux, alors, pourquoi on voyage tant. Je serais curieuse de découvrir une mise en scène théâtrale qui résoudrait la dizaine de décors que réclame la pièce.
Moi qui boudais Pagnol, j’ai lu ces trois œuvres avec un délice surprenant qui me donne envie de me jeter sur ses autres pièces de théâtre. L’ambiance chaude de Marseille, les personnages attachants, la justesse des sentiments grésillent comme des crevettes chaudes dans une poêle ! A déguster sans modération.
Deux extraits savoureux :
Des veuves évoquent le moment qui a vu disparaître leur cher et tendre :
« CLAUDINE : Mon pauvre mari, moi, ça s'est passé d'une façon étrange. Une nuit, il me réveille. C'était le premier chant du coq. Il avait la figure un peu rouge et la main sur la poitrine, il me fait : "Claudine, qu'est ce que tu dirais si je mourais d'un seul coup ?" Moi, à moitié endormie, je lui fais : "ça prouverait que tu n'es pas malin." Et alors il me fait : "Eh bien, par conséquent, je ne suis pas malin." Et toc, il est mort ! ... Le médecin a dit qu'il était mort de l'embouligue.
CESAR (stupéfait) : De l'embouligue ?
CLAUDINE : Oui, Monsieur, il avait un embouligue.
CESAR (se tâtant le nombril) : Moi aussi, j'ai un embouligue ! Tout le monde a un embouligue !
ESCARTEFIGUE (fièrement) : Moi, le mien, il est grand comme une pièce de cinq francs !
CLAUDINE (supérieure) : Mais, ça ne veut pas dire le nombril ! L'embouligue, dans le langage des savants, c'est une maladie. Le médecin a dit : "C'est une espèce de bouchon qui se met dans les artères." Et tout d'un coup, cloc ! Ca s'éteint comme si on te coupait le gaz !
CESAR (scientifique) : Ah ! Elle veut dire une embolidre !
M.BRUN (sans rire) : Il y a même des gens qui appellent ça une embolie !
CESAR (condescendant) : Oui. A Lyon."
Boire de l’alcool sans mauvaise conscience… :
« César – Monsieur Brun, tous les apéritifs sont faits avec des plantes : gentiane, sauge, anis, peau d’orange, absinthe et cétéra. Or, les plantes, ce sont des remèdes. Dans ma chambre, j’ai un gros livre : la Santé par les Plantes, ça guérit TOUT. Alors, finalement, qu’est-ce que c’est qu’un apéritif ? C’est une espèce de tisane froide. Vous pourriez me dire qu’il y a de l’alcool… .
M. Brun – Je vous le dis.
César – Et qu’est-ce que c’est, l’alcool ? Essence de vigne : plante !
chez Eimelle !