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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 08:44

 

Oeuvre découverte en livre audio !

Algérie, années 30. Lorsque Younes a 9 ans, son père, paysan ruiné, se voit contraint de le confier à son frère, pharmacien et notable d’Oran. L’oncle l’accueille comme son propre enfant et avec sa femme catholique, Germaine, ils vont éduquer et faire grandir celui qui sera désormais appelé Jonas. Pourtant le jeune garçon n’a pas oublié ses parents et sa sœur. Il les perd de vue.

Adolescent, une histoire d’amour va changer sa vie, ou plutôt une double histoire d’amour. Jonas dit au revoir à sa virginité dans les bras de la mystérieuse Mme Cazenave qui lui fait vite comprendre qu’il n’y aura de suite à cette brève liaison. Quelques années plus tard, Jonas rencontre la magnifique Emilie, la fille de Mme Cazenave. La belle Emilie bouscule tous les cœurs des amis de Jonas mais elle fait comprendre à notre héros que c’est lui qu’elle a choisi. Mme Cazenave ne peut supporter l’idée d’une relation entre sa fille et celui qui fut son amant. Donc Jonas repousse les avances d’Emilie. Il le fera des années durant sans qu’elle n’y comprenne rien et la verra épouser un de ses meilleurs amis.

Cette histoire d’amour ratée restera toute la vie ancrée dans le cœur de notre narrateur. C’est à Marseille que se termine ce triste récit.

A l’arrière-plan, l’histoire de l’Algérie éclate, broie les familles, éloigne les être chers. Le voyage que nous propose Khadra est réussi, je dirais même plus, on a envie de connaître ces villes et ces campagnes algériennes.

La fin du roman est bouleversante et je n’ai pu m’empêcher d’en cueillir des extraits, par sa profondeur, son bon sens et sa langueur, elle résume l’essence de la vie. Ce qui m’a moins plu, c’est cette histoire de rencontre ratée, j’avais bien envie de mettre des claques à l’indolent Jonas qui, vieillard, regrette ses choix passés. La lecture faite par André Pauwels est remarquable, il module sa voix en fonction du personnage qu’il incarne. Seul bémol : lorsqu’il prend la voix d’une femme, celle-ci a vraiment l’air d’une greluche à voix trop mièvre…

Si vous êtes féru d'histoires d'amour douloureuses et d'épopées amicales, n'hésitez pas à lire ce roman. Je le conseille aussi pour sa beauté finale et son écriture si élégante et raffinée même si certaines longueurs, au début, ont un peu ennuyé mes trajets en voiture. Je n’ai pu m’empêcher de relever quelques passages marquants (ne me demandez pas comment je peux retenir des extraits en voiture, ma technique restera secrète !)

 

La guerre est « le succube de la mort, la concubine féconde du malheur ».

« La postérité n’a jamais rendu l’étreinte des tombes moins dure, elle a juste le mérite de modérer notre peur de la mort puisqu’il n’y a pas de thérapie mieux appropriée à notre inexorable finitude que l’illusion d’une belle éternité. »

 

« Ici nous ne disons pas nostalgie, nous disons nostalgérie. […] L’Algérie me colle à le peau […]. Des fois, elle me ronge comme une tunique de Nessus, des fois elle m’embaume comme un parfum délicat. J’essaye de la semer et n’y arrive pas. Comment oublier ? J’ai voulu mettre une croix sur mes souvenirs de jeunesse, passer à autre chose, repartir à zéro. Peine perdue ! Je ne suis pas un chat et je n’ai qu’une vie, et ma vie est restée là-bas, au bled. J’ai beau essayé de rassembler toutes les  horreurs pour le vomir, rien à faire : le soleil, les plages, nos rues, notre cuisine, nos bonnes vieilles cuites et nos jours heureux supplantent mes colères et je me surprends à sourire là où je me prépare à mordre. »

Et une des plus belles citations qui me soit donné de recopier :

« On ne retombe pas en enfance, on n’en sort jamais. Vieux, moi ? Qu’est-ce qu’un vieillard sinon un enfant qui a pris de l’âge ou du ventre. Ma mère dévale le tertre la poussière à ses pieds telle des milliers de constellations. Maman, ma douce maman.  Ce n'est pas seulement un être, une mère, même unique, ou bien une époque ; une mère, c'est une présence que ni l'érosion du temps ni les défaillances de la mémoire ne peuvent altérer. J'en ai la preuve tous les jours que Dieu fait, toutes les nuits quand la latence m'accule au fond de mon lit. Je sais qu'elle est là, qu'elle a toujours été auprès de moi à travers les âges, les prières avortées, les promesses résiliées, les absences intenables et les peines perdues. »

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commentaires

M
un tres belle livre j aime
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A
<br /> Un très beau roman, que j'avais lu à sa sortie.<br />
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P
<br /> C'est un auteur que je n'ai toujours pas découvert mais ça va venir.<br /> <br /> <br /> Bonne semaine.<br />
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V
<br /> <br /> il nous faudrait toujours plus de temps! Bonne semaine également.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Je n'ai encore jamais lu de Khadra !<br />
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V
<br /> <br /> c'était mon premier!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je le note mais pour plus tard. Je n'ai pas envie de triste en ce moment. Ton billet est intéressant.<br />
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V
<br /> <br /> je te comprends, reste le voyage dans ce livre, un magnifique voyage...<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> J'aime l'écriture de Yasmina Khadra et son regard d'homme lucide sur son pays, on ne peux que comprendre sa "nostAlgérie"!<br /> <br /> <br /> J'avais un peu oublié ce livre qui ne m'a pas laissé les mêmes cicatrices que L'attentat.<br />
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V
<br /> <br /> son écriture est sublime, en effet! Je note L'attentat, merci!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Tu en parles si bien, que si je le vois à la biblio, je l'emprunterai. <br />
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V
<br /> <br /> merci ! j'aimerais savoir ce que tu en penses.<br /> <br /> <br /> <br />