Ce livre est un livre voyageur, Mirontaine me l’a gentiment fait parvenir et j’ai ainsi fait partie d’une belle chaîne de lecteurs. C’est une première pour moi. Je remercie encore la gentille et douce Mirontaine et son écriture d’écolière appliquée.
Alice Kahn est un livre très particulier. Court, petit, il se lit vite mais s’oublie beaucoup moins vite. La narratrice est une jeune fille qui joue avec son identité. Elle rencontre par hasard William qui la prend pour une certaine Anna et la narratrice s’amusera à jouer avec cette Anna. Elle se crée comme on peut créer un personnage de roman, elle remplit le vide existant, se façonne une image, une attitude, une façon d’être et de parler, tout ce qu’aurait pu être Anna. « Pendant que William parle, je me couvre des apparences d’Anna. Je passe par la transparence, par l’ineffable, l’indéfini. Bientôt je serai recouverte de ce qu’il a imaginé d’elle. Je sauterai à pieds joints dans l’image qu’elle lui a peut-être envoyée, et les trous qu’elle a laissés béants, je les colmaterai. (…) Peu lui importera, je vaudrai mieux que son fantasme. »
Je serai moins enthousiaste que Mirontaine. Le positif, c’est qu’on peut y voir une nostalgie de l’enfance effectivement, cette période où on joue à être quelqu’un d’autre, on est une vraie princesse l’espace d’un moment et on y croit très fortement. Moi j’y ai vu un brin de pessimisme, quelque chose d’un peu déprimant ; savoir qu’on peut devenir un autre, savoir qu’on peut coller parfaitement à ce que celui d’en face voudrait qu’on soi… « Toutes ces filles, je les couvre de mes baisers abstraits et je les garde dans des boîtes pour les moments où je me perds. Aujourd’hui, Anna ne ressemble à rien d’autre qu’à l’ensemble de ces personnages-là. Un troupeau de fantasmes bien assaisonné, dont Anna est le dernier maillon » La narratrice est creuse, complètement impersonnelle, et cet aspect des choses m’a mis mal à l’aise. Et m’a fait penser au Nouveau Roman qui, avec Robbe-Grillet en tête, prônait la « mort du personnage ». Je me trompe peut-être.
Quelqu’un d’autre de Benacquista, roman que j’ai adoré, m’est aussi venu à l’esprit lors de la lecture. Question d’identité quand on devient un autre.