Un livre changeant, fait de hauts et de bas, de crescendo et de diminuendo. Ca commence par de bons sentiments (une ado qui veut aider une SDF à s’en sortir) et quelques clichés (l’ado en question est une surdouée, donc hypersensible, donc boulimique de connaissances, donc isolée des autres, etc.), mais on sort progressivement d’un monde en quête d’idéal pour une peinture de la réalité assez juste.
Quelques personnages :
- Lou Bertignac, enfant précoce de 13 ans. Petite. Réservée. En classe de 2nde, elle doit présenter un exposé en cours de SES : il s’agit de retracer le parcours et l’histoire d’une jeune femme sans abri.
– le personnage du prof archi sévère « La Terreur du lycée » qui « doit avoir une douzaine de paires d’yeux invisibles réparties sur tout le corps, un détecteur d’inattention greffé dans les narines et des antennes de limace » … portrait qui m’a fait sourire, bien sûr. Moi aussi, je les ai, ces douze paires d’yeux aurais-je parfois envie de dire à mes élèves, mais je les ferme souvent, je les voile pour ne pas que le cours ne soit que réprimandes, chasse aux bavardages et mises au garde-à-vous. Et puis, je dois avouer qu’en tant qu’élève, j’aimais aussi qu’on me foute la paix, et j’essaie, en tant que prof, de m’en souvenir. Parenthèse fermée.
- Lucas, le « chef de la classe », très grand, très beau et qui n’en fiche pas une, « le genre de personne à qui la vie ne fait pas peur ». Au début du roman, on se dit, ok, la petite surdouée docile avec le grand cancre insolent, mouais mouais…, à la fin … (n’avez qu’à la lire, la fin !).
– No enfin -Nolwenn- la SDF de 18 ans pour qui tout a mal tourné et « qui connaît de la vie quelque chose qui fait peur ». C'est la rencontre No-Lou qui constitue le noeud de l'intrigue.
La première partie du roman semble donc être une petite histoire joliment racontée, puis petit à petit, la tension monte, notre intérêt s’amplifie, cet univers romanesque qu’on croyait manichéen se complexifie, s’obscurcit aussi. « Il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous". Ce qui est intéressant et assez réussi : l’œuvre mûrit en même temps que l’héroïne, l’écriture se fait plus réfléchie au fur et à mesure que Lou perd ses illusions, sa naïveté, ses espérances, lorsqu’elle sort de l’adolescence.
La fin est surprenante et somme toute, ce roman est à la fois poignant et attendrissant (malgré quelques petits recours à la facilité), à mettre entre toutes les mains, très réaliste. J’ai passé un bon moment.
L'auteur, Delphine de Vigan, écrit là son 4ème roman. Son premier, Jours sans faim est paru en 2001 sous le pseudonyme de Lou Delvig : il s’agit d’un roman autobiographique sur le combat et la guérison d’une jeune fille anorexique de 19 ans.
La romancière a également fait sa rentrée littéraire ce mois-ci en publiant Les Heures souterraines.