Je ne sais par quel bout prendre ni ce roman ni ce billet. Avis partagé… j’irai même plus loin, je crois bien que je n’ai pas aimé. Je viens de le finir mais il me laisse une telle amertume que j’en ai mal à la tête.
La première moitié m’a plu, la découverte de ces deux personnages en parallèle parfait, Aomamé à gauche, jeune, froide, introvertie mais débauchée, criminelle mais justicière ; à droite, Tengo, secret, solitaire, écrivain et mathématicien. Les deux se sont rencontrés enfants et ont quelques points communs : une jeunesse morose et dénuée d’affection parentale, des dimanches passés à vadrouiller : Aomamé subissant le fanatisme de ses parents, adeptes d’une secte, les Témoins, passait de maison en maison pour tenter de convertir les gens. Tengo, lui, devait aider son père à récolter la redevance télé, et était bien contraint à faire du porte-à-porte. L’absence d’amour et de chaleur humaine réunit aussi ces deux êtres attirés malgré eux vers le sexe pour le sexe.
Tengo se voit proposer un bien étrange contrat : son éditeur veut absolument qu’il réécrive La Chrysalide de l’air, un livre étrange et attirant par son contenu mais maladroit dans sa forme. Ce roman, Tengo l’apprendra un peu plus tard, a été dicté par Fukaéri, une mystérieuse adolescente de 17 ans, dyslexique et ainsi incapable de rédiger un texte elle-même. Tengo accepte sa mission malgré sa dimension délictueuse et malsaine. Ce qu’il ignore, c’est que l’histoire que raconte Fukaéri est vraie et bien réelle… Les Little People existent ! Ils sont comparés à Big Brother, ils voient tout, savent tout, maîtrisent le monde à notre insu.
Aomamé s’est liée d’amitié avec deux femmes : la première est une vieille dame possédant une fortune immense et un pouvoir tout aussi important. Elle engage Aomamé pour réaliser un travail un peu particulier : tuer, le plus discrètement possible la lie de la société et plus particulièrement des hommes qui ont maltraité et violé des femmes. La vieille femme a même créé un refuge pour ces femmes détruites moralement et physiquement. La seconde nouvelle amie est une policière qu’Aomamé rencontre dans une partie de jambes en l’air à quatre.
L’ensemble du roman joue avec le registre fantastique, tantôt le titillant, tantôt le repoussant… L’auteur nous impose un monde inquiétant qui n’est ni clair ni univoque.
J’ai trouvé l’écriture perfectible. C’est assez ironique pour un livre qui parle d’écriture, qui donne même des conseils –comme le prouve l’extrait ci-dessous. J’ai trouvé qu’il avait besoin d’être épuré, les répétitions s’accumulent, les longueurs sont parfois pesantes, c’est comme si Murakami avait oublié de faire une dernière relecture, une dernière correction à son texte. Certains vont considérer comme blasphématoire ce que je dis là, mais c’est ma sincérité qui parle… Peut-être que la traduction y est pour quelque chose mais j’aimerais qu’on me dise qu’elle est la qualité littéraire d’un passage comme celui-ci : (Tengo et sa maîtresse discutent de la tranquillité qu’on éprouve à se ranger du côté de la majorité).
- « Ah, comme on est content de ne pas être du mauvais côté ! Même si, au fond, c’est la même chose dans toutes les époques et ans toutes les sociétés, au moins quand on est du côté du plus grand nombre, ça vous évite de penser aux choses ennuyeuses.
- Si l’on se range du côté de la minorité, il ne nous reste plus qu’à penser aux choses embêtantes. »
L’atmosphère qui se dégage dans ce roman est irréelle depuis la première page, très particulière bien avant que le fantastique fasse son apparition. Je l’avais déjà trouvée et grandement appréciée dans les nouvelles de Murakami, une autre dimension est à peine suggérée, on la frôle du bout des doigts sans la voir. Mais lorsqu’on est dans l’autre monde de plain-pied, l’angoisse prédomine, et je déteste par-dessus tout entendre parler de fin du monde, d’apocalypse et de complot interplanétaire. Et puis, mise à part la manière très progressive et relativement subtile dont le fantastique entre en scène (et encore, le jaillissement des Little People peut prêter à rire !), je n’ai pas trouvé une grande originalité à ce monde de 1Q84.
Pour terminer par une note positive, j’ai beaucoup aimé la cause pour laquelle se battent Aomamé et la vieille femme, des Robin Hood au féminin et le thème bien développé des sectes.
Vous l’aurez compris, je ne lirai pas le livre 2, je dois être une des seules à avoir si moyennement apprécié cet ouvrage, je le regrette et n’en délaisse pas pour autant les autres œuvres de Murakami.
Les conseils d’écriture de l’éditeur à l’écrivain ou la mise en abyme version Murakami : « Tengo, essaie de réfléchir à ceci : les lecteurs ont toujours vu une lune dans le ciel, une seule. Tu es bien d’accord ? Mais on peut supposer que personne n’a jamais vu deux lunes. Lorsqu’on introduit dans un roman quelque chose qu’aucun lecteur n’a encore vu, cela nécessite une description aussi précise et détaillée que possible. A contrario, on peut se dispenser de décrire une chose que la plupart des lecteurs ont déjà vue. »