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29 janvier 2022 6 29 /01 /janvier /2022 12:25

MOLIERE L'ECOLE DES FEMMES COMEDIE LAROUSSE 1938 CLASSIQUES LAROUSSE TEATRO  | eBay

Non, je n’allais pas laisser passer janvier, mois anniversaire de la naissance de notre fameux Jean-Baptiste Poquelin, sans en toucher un mot. Je lis et relis beaucoup le dramaturge pour mon plaisir et pour mon travail, je ne m’en lasse pas et il m’épate à chaque fois.

            Arnolphe est un vieux (42 ans…) célibataire qui, plutôt que de se marier et de se retrouver cocu, a largement anticipé : il a « élevé » depuis ses 4 ans une fille, Agnès, l’a protégée du monde extérieur, l’a éduquée à sa manière, l’a rendue aussi sotte qu’ignorante. Il épousera donc celle qui, à dix-sept ans, se demande « si les enfants qu’on fait se faisaient par l’oreille. » Malheureusement pour Arnolphe, un « jeune homme bien fait » croise son chemin et elle raconte ingénument à son protecteur qu’un amour aussi subit qu’imprévisible a immédiatement lié les deux jeunes gens. Parallèlement, Horace, le fils d’un ami d’Arnolphe, vient confier au barbon qu’il est tombé amoureux d’Agnès, « ce jeune astre d’amour de tant d’attraits pourvu » et que ses « affaires sont en fort bonne posture ». Arnolphe enrage et multipliera les ruses pour défaire cet amour et épouser au plus vite cette jeune femme qui, parce qu’elle lui échappe, trouve de plus en plus grâce à ses yeux. Mais Agnès écoute son cœur et, si elle obéit à Arnolphe quand il lui demande, par exemple, de jeter une pierre à la tête d’Horace, elle l’accompagne également d’une lettre d’amour. Arnolphe persévère en apprenant à Agnès les « maximes du mariage » qui, plutôt que d’assagir la belle ingénue, vont l’effrayer et la faire fuir, « chez vous le mariage est fâcheux et pénible (…) [Horace] le fait, lui, si rempli de plaisirs, que de se marier il donne des désirs. » Un retournement de situation final va légitimer l’union des jeunes gens et laisser Arnolphe … sans voix.

L’École des femmes date de 1662 et reprend les thèmes majeurs de L’École des maris qui date de l’année précédente. Molière y dénonce clairement l’éducation trop stricte des filles et ce carcan étriqué d’un mariage qui n’a jamais rien d’authentique. La pièce a fait polémique, justement parce que le sacrement du mariage était pointé du doigt. J’ai complété ma (re)lecture par une adaptation de Stéphane Braunschweig qui m’a d’abord un peu déstabilisée (la pièce commence dans une salle de sport) et finalement convaincue. Cette version se veut moderne et sensuelle, laissant toute la place à la femme, maîtresse de ses désirs. Suzanne Aubert incarne parfaitement la jolie Agnès pas si bête qu’il n’y paraît et Claude Duparfait apporte une sincérité intéressante au personnage d’Arnolphe, rendu, ainsi, presqu’attachant. La pièce comme cette représentation-là apportent une fraîcheur, une soif de liberté et une envie de briser contraintes et asservissements que chacun pourra reprendre à son compte.

La mise en scène de Braunschweig 

 

Une des maximes du mariage ou « devoirs de la femme mariée » :

« Elle ne se doit parer

Qu’autant que peut désirer

Le mari qui la possède :

C’est lui que touche seul le soin de sa beauté ;

Et pour rien doit être compté

Que les autres la trouvent laide. »

 

Morale prononcée par Chrysalde, l’ami d’Arnolphe :

 « Si n’être point cocu vous semble un si grand bien,

Ne vous point marier en est le vrai moyen. »

    Théâtre : la leçon de «L'École des femmes» - Le Parisien

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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 20:12

Abélard - Alvin -3- Alvin - L'héritage d'Abélard 

 

  Je n’en connais que très peu de ces deux auteurs, je n’avais lu que le tome 1 d’Abélard, il y a presque 10 ans.

Dans le premier tome, L’héritage d’Abélard, Gaston, se console de la perte de son ami Abélard en fréquentant une amie et prostituée, Purity. Celle-ci décède après avoir fait promettre à Gaston de s’occuper de son fils Alvin. Gaston pense placer le petit garçon dans une famille d’accueil mais, d’échecs en échecs, il décide de retrouver la famille de Purity, très loin de New-York, à Crapeville. Sur la route, le duo croise une sorte de prêcheur de foire, Ezéchias, qui expose ses « monstres », des créatures nées avec une différence. Gaston et Alvin décide, une nuit, de libérer ces prisonniers mais seul Jimmy, un être étrange à la tête ronde comme la lune, les suit.

Le second tome, Le Bal des Monstres, débute comme un road-trip entre New-York et Crapeville. Le trio retrouve Ezéchias, plus fou et sadique que jamais mais ils sauront déjouer ses plans machiavéliques. Nos personnages préférés se lient également d’amitié avec des êtres isolés, les « gens du bayou », ceux qui passent leur journée à jouer du banjo ou de la clarinette, et ça ne plaît pas à tout le monde.

Cette lecture tombait à pic, un soir d’hiver morose. Par ses couleurs, sa douceur, ses personnages attachants, elle m’a redonné le sourire. Même si certains passages sont un brin caricaturaux, les deux albums glissent avec justesse des thèmes tels que la différence, le fanatisme, la paternité et l’amitié. Le chapeau d’Abélard récupéré par Gaston qui passe de tête en tête et de main en main délivre régulièrement un petit papier magique qui comporte un proverbe, une phrase bien tournée, je vous en livre de petits exemples ci-dessous. Une jolie lecture apaisante et doucement colorée !

J’ai finalement retrouvé une autre BD de Dilliès que j’avais lue, Saveur coco, et, si j’avais bien aimé les dessins, j’avais moins apprécié l’intrigue. Le duo Dilliès – Hautière fonctionne donc très bien !

« Chaque individu est différent des autres. Notre différence à nous est juste un peu plus visible. »

« Qui veut faire quelque chose trouve un moyen. Qui ne veut rien faire trouve une excuse. »

« Seuls les poissons morts nagent avec le courant. »

 

Abélard - Alvin -4- Alvin - Le Bal des Monstres

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 17:19

Cris - Le Blog de Bloggieman

J’appréhendais de lire (encore) un roman sur ce sujet (la guerre des tranchées) mais Laurent Gaudé est Laurent Gaudé et il sublime chaque souffrance.

Première Guerre mondiale. Une poignée de soldats parle. Il y a Jules qui a droit à une courte permission qui va se muer en désertion, il y a Boris qui est persuadé que Jules lui a sauvé la vie lors de la dernière attaque, il y a Marius qui est content de voir son copain Jules souffler un peu. Barboni, lui, a mal tourné, il semble prendre du plaisir à tuer l’Allemand. Castellac est un paysan qui a laissé trois frères se battre sur un autre front et se demande si les parents verront au moins l’un d’eux rentrer vivant. Et puis, un jour, retentit un cri terrible, comparable à des « suppliques de loup », un bruit qui déchire les entrailles de ceux qui l’entendent. Est-ce une bête ? un homme égaré ? une créature fantastique ? C’est un fou, qui court, nu ; surnommé l’ « homme-cochon », il va errer, avec ses airs de satyre et de sauvageon, dans les champs de bataille. Le dénouement ne sera pas heureux, c’est la guerre, la terrible réalité de 14-18. Seul Jules sera là pour témoigner à sa manière.

Le roman a réussi sa mission de marquer, frapper, horrifier le lecteur, de faire revivre ces soldats et leurs derniers instants de vie. Aucune place n’est laissée à l’espoir, aucun sursaut d’optimisme et à peine un brin de patriotisme venant d’un homme déjà atteint par la démence. Le récit, polyphonique, s’autorise des phrases courtes, un ton haché pour aller à l’essentiel qui est souvent ce que l’homme a de plus primaire en lui. Le tout dans un univers apocalyptique fait de boue, de pluie et de cadavres humains. La fin, plus lyrique, fait apparaître un soldat africain, M’Bossolo, qui, part son discours protecteur et rassurant, sauve le soldat Ripoll : « T’avoir mis en lieu sûr me rendra indestructible. Je retrouverai sans trembler la pluie des tranchées et l’horreur des mêlées. »  Quel texte riche pour les débuts de Laurent Gaudé (c’est son premier roman, publié en 2001)

« j’ai vieilli de milliers d’années »

« L’essentiel est de ne pas crever sans personne pour te fermer les yeux. »

Jules, dans le train : « Le voyage continue. Dormir. Je ne peux pas. Dès que je fermerai les yeux, je retrouverai la tranchée. Je le sais. Non. Il faut tenir éveillé. »

Marius : « Je n'oublierai jamais cette course hallucinée. Je suis Vulcain et chacun de mes talons qui heurte le sol fait éclater la terre et gicler des milliers d’étincelles. Je suis Vulcain, haletant, et je cours au milieu des détonations et du souffle chaud du métal. Je cours dans le déluge crépitant. Je suis un lapin fou dans l'incendie et je pourrais rire à gorge déployée si je n'étais pas si avare de mon souffle. »

Quelques autres titres de l'auteur : La mort du roi Tsongor, Salina, Eldorado.

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19 janvier 2022 3 19 /01 /janvier /2022 10:06

RIP (tome 4) - (Julien Monier / Gaet's) - Policier-Thriller [CANAL-BD]

« Prière de rendre l’âme sœur »

         Albert est un gars au physique ingrat, au passé douloureux, à la personnalité effacée et veule. Il fait un travail un peu particulier puisqu’il se nomme « pirate fossoyeur » ou « croque-voleur de morts », en somme, avec un petit groupe de malfrats, il va piller les maisons où le propriétaire vient de mourir. Sa routine de voleur va connaître quelques soubresauts lorsqu’il tombe amoureux d’une morte. Même s’il tente de vivre avec le cadavre quelque temps, il se rend compte qu’il va devoir s’en débarrasser. Il n’aura alors de cesse de retrouver une jeune fille ressemblant à sa Dolores pour vivre avec elle une belle histoire d’amour entre tortionnaire et séquestrée. Entre collègues, rien ne va plus, les jalousies et les règlements de compte se succèdent et Albert va finir par se retrouver seul. Pas pour longtemps.

         Quatrième tome d’une série dont je n’ai pas lu les premiers opus, la BD se lit cependant indépendamment des autres. Si j’ai bien compris, à chaque tome son narrateur, un membre de cette clique sordide. L’ambiance est résolument glauque et lugubre. Le sociopathe que nous suivons a un côté fleur bleue (il chantonne du Cabrel et du Céline Dion) et enfantin qui renforce sa part de détraqué. On hésite entre vomir et rire.  Pour la petite anecdote, ma fille de 13 ans a absolument voulu avoir cette BD qu’elle avait croisée dans une librairie. Quand j’ai lu l’opus, après elle, je me suis dit que ce n’était pas tellement une lecture pour son âge… Elle m’en a parlé, s’est dit un peu choquée sans être traumatisée pour autant. Mis à part le fait que le récit et les images donnent la nausée, j’ai bien apprécié et l’intrigue qui, par ses retours en arrière, nous permet de comprendre la psychologie tordue des personnages, et les dessins très colorés de ce Julien Monier que je ne connaissais pas. Chaque court chapitre débute par une citation (Coluche, Nietzsche, Dominique A, Einstein… c’est très varié) que j’ai trouvée bien à-propos. Une petite plongée dans la tête d’un sociopathe tout à fait rafraîchissante…

J’avais déjà lu Gaet’s dans Un léger bruit dans le moteur tout aussi festif et léger.

RIP T4 : Albert (0), bd chez Petit à petit de Gaët's, Monier

 

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16 janvier 2022 7 16 /01 /janvier /2022 09:57

Mon mari - broché - Maud Ventura - Achat Livre ou ebook | fnac

Ciel que cette lecture tombait à pic après Crime et châtiment !

La narratrice est mariée à un homme qu’elle adore. Et c’est bien là à la fois l’essentiel de sa vie et le drame de son existence. Elle l’aime comme au premier jour et fait tout pour être l’épouse parfaite. Au fil des années, elle s’est composé un personnage qu’elle veut impeccable : elle soigne autant son physique que son attitude. Toujours disponible pour son mari, elle va stopper sa lecture en cours quand il arrive, cacher ses colorations capillaires, s’interdire d’aller aux toilettes quand il est tout près et surtout analyser chacun de ses gestes afin que son comportement soit irréprochable. Son plan demande aussi à ce qu’elle se fasse parfois désirer, qu’elle suscite la jalousie, qu’elle note et enregistre les conversations conjugales pour pouvoir mieux les analyser ensuite. En bref, c’est une maniaque de la vie de couple, elle place son mari sur la première place du podium au détriment de ses enfants et de ses amis, dans une vie où rien n’est laissé au hasard. Et la semaine où elle se rend compte que son mari semble prendre ses distances, le drame enfle.

Même si cette bonne femme agace avec son unique obsession, j’ai beaucoup apprécié cette lecture légère qui démontre par a+b tous les revers de l’amour. Ce livre qu’on pourrait qualifier de thriller psychologique m’a fait rire, il est une sorte de leçon pour filles de tout ce qu’il ne faut surtout pas être. J’ai failli le donner à mon ado de fille qui, féministe et contestataire dans l’âme, aurait bondi à chaque page. On est dans les pensées de cette femme qui a, parfois, des comportements d’adolescente, à voir des signes partout, à avoir ses couleurs fétiches, ses chiffres fétiches, à se montrer jalouse de ses propres enfants. J’avais entendu parler du dénouement renversant mais je ne l’ai pas autant apprécié que le reste du roman avec ce personnage féminin tellement bien ciselé. Un moment de lecture très divertissant !

« quand j’ai eu des enfants, je ne suis jamais passée à l’étape suivante. Je n’ai jamais changé de catégorie pour devenir mère. Alors je fais de mon mieux, mais la plupart du temps je suis trop occupée à être amoureuse pour être une bonne mère. »

« Moi, j’ai toujours aimé mon mari d’un amour inconditionnel. Depuis le premier jour, d’une quantité immense et égale, et sans que rien ne puisse changer cet état de fait. »

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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 18:19

Crime et châtiment suivi de Journal de Raskolnikov - Fédor Dostoïevski - Folio  classique - Site Folio

Raskolnikov est un ancien étudiant « extraordinairement beau » complètement fauché qui vit à Saint-Pétersbourg. Sans raison évidente mis à part le fait de lui prendre quelques objets de valeur et peut-être par mégalomanie, il décide d’assassiner sa prêteuse sur gages, Ivanovna, qu’il assomme d’un coup de hache. Il pense que tout le monde la déteste et qu’elle ne manquera à personne. Il se fait surprendre par la sœur d’Ivanovna qu’il est bien obligé de tuer elle aussi en lui sectionnant la tête. Les quelques jours qui suivent le double meurtre sont assez confus pour le héros, il est en proie à des malaises, à de petites crises de folie, il est parfois à deux doigts de révéler la vérité. Mais s’il pense qu’un officier de police le soupçonne, il n’en est rien. Le jeu du chat et de la souris se poursuit même quand un autre homme est accusé du double crime. La mère et la sœur de Raskolnikov le rejoignent, Svidrigaïlov, un ancien amoureux de la juene femme vient mettre son grain de sel, et Sonia, une prostituée prise de Raskolnikov, va l'accompagner dans sa démarche d'aveu final.

Je ne vais pas vous dire que la lecture a été évidente du début à la fin, le principe des marées n’était pas loin : j’étais motivée puis beaucoup moins puis à nouveau intéressée puis barbée… J’ai été surprise d’avoir à faire à un « polar » et j’ai adoré certains très beaux passages mais plusieurs chapitres m’ont un peu ennuyée, d’autres profondément ennuyée, d’autres encore déroutée (des personnages surgissent sans qu’on en comprenne vraiment la raison). Il faut aussi apprivoiser les prénoms et noms, Sonia s’appelle tantôt Sonia, tantôt Sofia ; chaque personnage a plusieurs noms, surnoms et diminutifs. Des détails qui m’ont marquée : Dostoïevski voue une passion pour le verbe « marmotter » qu’il utilise des dizaines de fois dans son roman. L’action se passe en juillet et, chose incroyable, le romancier insiste sur la chaleur « suffocante » de St-Pétersbourg ! J’ai lu qu’une adaptation théâtrale du roman avait été donnée à Paris dans les années 30 et c’est un grand froid qui avait été retenu pour rendre cela plus crédible auprès des Parisiens… C’est assez drôle de trouver, dans la bouche des personnages, la chanson « Malbrough s’en va-t-en guerre » … A noter aussi que de descriptions, il n’y en a pas tant, les dialogues sont bien plus nombreux, qu’ils soient au discours direct ou indirect. La tension dramatique enfle à la fin du roman par paliers, quand il n’y en a plus, il y en a encore en somme, et retombe comme un soufflet dans l’épilogue que j’ai pourtant beaucoup aimé. Je crois que mon gros problème, c’est que je n’ai trouvé mon compte dans aucun des personnages. Pour finir, j’ai apprécié cette lecture mais j’ai aussi beaucoup aimé la terminer !

Une tentative de justification du crime : « Si on la tuait et qu’on prenne son argent avec l’intention de le faire servir au bien de l’humanité, crois-tu que le crime, ce out petit crime insignifiant, ne serait pas compensé par des milliers de bonnes actions ? Pour une seule vie, des milliers d’existences sauvées de la pourriture. Une mort contre cent vies. »

« Je n’ai pas tué un être humain mais un principe. »

« J’ai pu me convaincre alors que le pouvoir n’est donné qu’à celui qui ose se baisser pour le prendre. Tout est là, il suffit d’oser. J’ai eu alors une idée qui n’était venue à personne jusque-là. A personne ! Je me suis représenté clair comme le jour qu’il était étrange que nul, jusqu’à présent, voyant l’absurdité des choses, n’eût osé secouer l’édifice dans ses fondements et tout détruire, envoyer tout au diable… Alors moi, moi, j’ai voulu oser et j’ai tué… Je ne voulais que faire acte d’audace, Sonia ; je ne voulais que cela : tel fut le mobile de mon acte ! »

« …souffrir en reconnaissant son erreur. C’est son châtiment. »

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 15:30

Montagnes Russes

C’est l’histoire d’un couple qui essaye d’avoir un enfant, et, entre prises de sang à répétition, FIV, attentes et espoirs déçus, il tente de garder la tête hors de l’eau. Pour Aimée, c’est très difficile et quand elle rencontre le petit Julio à la crèche où elle travaille, elle s’attache immédiatement à lui. Il faut dire que la mère, Charlie, très jeune, n’a, elle, eu aucun mal à avoir ses trois enfants. Ce qui lui pose plutôt problème est de concilier la garde des trois, sa formation de maquilleuse et son statut de mère célibataire. Alors Aimée va un peu dépasser le cadre de ses obligations professionnelles, prendre Julio chez elle et lui offrir la stabilité qui lui manque. Evidemment, la mère sort ses griffes, la directrice de la crèche s’en mêle mais finalement, Aimée et Charlie vont devenir amies.

Ce n’est pas un feel good où tout se termine bien, plutôt une leçon de vie pour apprendre à vivre avec ce qui nous manque, vivre malgré tout, comme le montre la citation ci-dessous. Le récit est émouvant, l’immense place laissée à la femme pourrait lui être reprochée mais est-ce que ça ne reste pas un problème de femme, ce désir frustré de ne pas avoir d’enfant ? Une histoire banale et pourtant prenante, une réussite dans la simplicité et l’authenticité … réalisée par deux femmes, tiens donc.

« La douleur était immense. Etrangement, elle ne nous avait pas anéantis. On a rangé nos espoirs dans une boîte, et lorsque l’on s’est retournés, notre amour était bien là, intact. Alors, il a fallu réparer. Continuer. Apprendre à vivre sans. Se réinventer. La route allait être longue, mais possible, si l’on savait saisir ses chemins de traverse. »

Montagnes Russes

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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 11:35

Un barrage contre le Pacifique - Marguerite Duras - Babelio

Je redoutais cette lecture, comme j’avais tort !

Indochine dans les années 20-30. Une mère de famille, après la mort de son mari, se lance dans un projet insensé : construire un barrage pour protéger ses terres. Le barrage ne tient pas, la famille est ruinée. Le récit commence lorsque Suzanne a 16 ans, Joseph 20. La mère passe son temps à crier, s’inquiétant pour tout, tentant de garder la tête hors de l’eau et de sortir de leur misère. Elle doit faire face à des « crises » qui lui ruinent la santé alors qu’elle est aussi capable de dépenser de l’énergie à battre ses enfants. Lorsque tous trois rencontrent M. Jo, ça ressemble à un coup de chance ; il apparaît dans une grande limousine et il est immédiatement séduit par les charmes de Suzanne. Il devra affronter la jalousie d’un grand frère, les craintes d’une mère qui ne souhaite que marier sa fille, et les appréhensions de Suzanne rebutée par la laideur et la bêtise de son prétendant. Si M. Jo a le droit de regarder Suzanne nue, un phonographe lui sera offert. Si elle l’accompagne quelques jours en ville, c’est un gros diamant qui lui sera offert. Mais Suzanne se débrouille assez bien pour se faire offrir le diamant et envoyer M. Jo sur les roses sans lui donner ce qu’il espère. La seconde partie se déroule en ville, il s’agit de vendre le diamant pour les 20000 francs promis par M. Jo. Or, le caillou semble avoir un défaut et ne valoir que la moitié de la somme convoitée. C’est alors que Joseph tombe fou amoureux d’une femme mariée …

Cette plongée dans un autre continent, dans une autre époque, m’a plu d’abord parce qu’elle m’a tellement fait penser à L’Amant qui a marqué mon adolescence. Ce mélange de sensualité et de rébellion, de soumission et d’ironie, de poésie et de simplicité serait peut-être le style durassien (même si elle a dit qu’elle évoquait une écriture « distraite », sans recherche particulière). Le cadre spatio-temporel est aussi extrêmement attirant et l’autrice décrit avec minutie les difficultés administratives qui font couler la mère et, par conséquent, la famille toute entière. La carte postale de l’actuel Cambodge ne fait pas rêver, la multitude d’enfants aussi errants que les chiens qui les accompagnent meurt du choléra ou d’autre chose et les paysans se battent pour pouvoir manger. Le fossé qui sépare les riches et les pauvres est un immense gouffre et les cruautés administratives rythment le roman, toujours sous une chaleur écrasante. D’inspiration largement autobiographique, ce roman marque pour différentes raisons mais je crois que la figure de la mère, colossale, effrayante et fascinante à la fois, une sorte d’ogre désespéré, possessif et aimant, me restera longtemps en mémoire.

« Les barrages de la mère dans la plaine, c’était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C’était la grande rigolade du grand malheur. C’était terrible et c’était marrant. Ça dépendait de quel côté on se plaçait, du côté de la mer qui les avait fichus en l’air, ces barrages, d’un seul coup d’un seul, du côté des crabes qui en avaient fait des passoires, ou au contraire, du côté de ceux qui avaient mis six mois à les construire dans l’oubli total des méfaits pourtant certains de la mer et des crabes. »

C’est toujours le même disque, Ramona, qui tourne : « Lorsqu’ils partiraient ce serait cet air-là, pensait Suzanne, qu’ils siffleraient.  C’était l’hymne de l’avenir, des départs, du terme de l’impatience. Ce qu’ils attendaient c’était de rejoindre cet air né du vertige des villes pour lequel il était fait, où il chantait, des villes croulantes, fabuleuses, pleines d’amour. »

« Elle avait aimé démesurément la vie et c’était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de l’espoir même. Cet espoir l’avait usée, détruite, nudifiée à ce point, que son sommeil qui l’en reposait, même la mort, semblait-il, ne pouvait plus le dépasser. »

Une sublime citation sur le cinéma : « C’était l’oasis, la salle noire de l’après-midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma, plus vraie que la vraie nuit, plus ravissante, plus consolante que toutes les vraies nuits, la nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous, plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises, la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs, et où se lave toute la jeunesse de l’affreuse crasse d’adolescence. »

La Douleur - Moderato Cantabile - Mémoires d'Hadrien

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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 10:34

Un Livre Ouvert Sur L'herbe Verte, Un éclat Du Soleil Image stock - Image  du fleur, soirée: 128525427

C’est encore une année étrange qui s’achève – meilleure que la précédente tout de même et si on peut tourner la page à peu près sereinement et regarder vers 2022, c’est déjà une victoire.

Je fais un traditionnel bilan de lectures encore une fois indispensables pour moi, quotidiennes, consolatrices, réconfortantes ou stupéfiantes :

Tous ces blogs qui ferment et se mettent en pause m’effraient un peu, et comme j’ai toujours un train de retard, je n’y songe pas pour l’instant. Merci pour vos visites régulières ou moins fréquentes, pour vos commentaires, merci aux fidèles et aux occasionnels.


Belle année 2022  !!

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30 décembre 2021 4 30 /12 /décembre /2021 16:55

Blizzard - Livre de Marie Vingtras

En Alaska, le blizzard souffle, et, alors qu’il fallait surtout rester calfeutré chez soi, une jeune femme, Bess, est sortie avec un garçon de 10 ans. Sans explication, sans raison apparente. Quand le père du petit, Benedict, s’en rend compte, il fonce chez Cole et Freeman pour qui l’aident à chercher les deux égarés. Mais Bess a perdu le garçon qui a lâché sa main l’espace d’un court instant. Commence alors une longue marche laborieuse dans une tempête de neige qui contraint les hommes à repenser à leur passé, à leur raison d’être là, dans cet endroit si hostile. Cole est un homme misogyne et froid, Freeman a « perdu » son fils devenu dingue à son retour de la guerre, Benedict revient sur sa relation avec son frère Thomas qui a abandonné la famille si soudainement et Bess est un être aussi fragile que fort qui a survécu à la mort de sa sœur. Chacun va avancer, certains vont se perdre et se retourner, d’autres vont se retrouver pour former une famille « de bric et de broc ».

Dans ce roman qu’on pourrait qualifier de huis clos, les personnages sont enfermés dans un univers blanc, glacial et venteux sans jamais réellement se côtoyer ; chacun est seul avec lui-même et son passé. L’idée est vraiment astucieuse, les chapitres courts équitablement distribués entre les quatre personnages adultes contribuent à accélérer le rythme de cette quête sous la neige. La tension s’épaissit à la manière de cette neige froide et funeste ; s’il s’agit de retrouver le garçon perdu, il s’agit aussi de désensevelir des vérités enfouies bien trop longtemps.

J’ai beaucoup aimé cette lecture prenante, le récit est impeccablement mené, tout est millimétré et parfaitement agencé. Pour un premier roman, chapeau !

« Je m’efforce d’avancer, coûte que coûte, pas à pas, mais je ne suis pas sûre que ça me mènera quelque part. Par moments, au milieu de la neige, j’ai l’impression de voir des formes qui bougent, mais elles s’estompent aussi vite qu’elles sont apparues. Cette maudite neige qui ne peut pas tomber tout droit, comme une bonne pluie bien drue. Pour tenir, j’essaie de me rappeler la Californie, de me souvenir des plages où les parents nous emmenaient chaque week-end. »

« Le gamin est une énigme à part entière. D’où lui vient ce physique ? D’où lui viennent ces aptitudes intellectuelles si inutiles dans un endroit pareil ? C’est un oiseau exotique que j’ai laissé dans la nature, sans défense, sans aptitude à la survie. »

 

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