Un petit séjour à Paris m’a permis de voir Passeport au théâtre de la Renaissance.
Nous suivons d’abord Issa, un jeune migrant érythréen, qui, à la suite d’une bagarre, s’est retrouvé gravement blessé et surtout amnésique. Dans son errance dans la Jungle de Calais, il rencontre l’Indien Arun et le Syrien Ali qui vont devenir ses compagnons de misère. Si obtenir un titre de séjour est déjà un parcours du combattant pour n’importe quel migrant, le fait qu’Issa ait complètement perdu la mémoire va complexifier la tâche. Il se met à apprendre le français, à chercher un boulot, à fréquenter une bibliothèque qui va lui permettre de rencontrer une jeune femme. Et puis il y a Lucas Lefèvre. D’origine mahoraise, il a été adopté par un couple de Français pure souche dès sa petite enfance. Désormais adulte et gendarme depuis peu, il se laisse balloter par la vie, sans caractère, un peu veule mais pacifiste. Il rencontre Jeanne, journaliste passionnée, dont il tombe amoureux.
Quel spectacle ! Non seulement le texte est puissant et touchant mais, surtout, la mise en scène est un ballet rythmé et énergique exigeant des changements de décor très fréquents. Les formidables acteurs changent eux aussi de personnage d’une seconde à l’autre, courant de cour à jardin, modifiant leur apparence en un tour de passe-passe bluffant, rajoutant là un tablier, ici une casquette ou un bonnet. La camionnette de gendarmes devient compartiment de train. Lumière, sons, vidéo-projections et musique participent à cette chorégraphie haletante où tout est millimétré. J’ai adoré le jeu des acteurs capables de passer d’une émotion à une autre en quelques secondes, bouleversant un public bouche bée. On ne voit vraiment pas passer les 95 minutes, on rit et on pleure. On pourra reprocher à la pièce un retournement final un peu trop romanesque et quelques clichés (le flic collège de Lucas vraiment très con et obtus, le vieux père ancien militaire très campé sur ses positions) mais la magie fonctionne, Michalik est un prestidigitateur et les spectateurs se lèvent parce qu’ils ont été touchés au cœur. Les comédiens jouent en alternance et je ne vais pas tous les citer mais Brenda Broohm est particulièrement vive, impliquée et totalement convaincante dans son rôle de Jeanne.
Je ne peux donc que vous recommander cette pièce. Je rajoute que je n’avais pas eu le temps de faire un billet au sujet d’une pièce avec une thématique très proche, 4211 km d’Aïla Navidi (au théâtre Marigny) que je placerais même un cran au-dessus de Passeport tant elle m’avait marquée par son humanité et sa puissance.