Une école, en France, une parmi tant d’autres. Valentin vient d’arriver, c’est le petit nouveau. Très poli, fort en cours mais aussi en basket, il suscite immédiatement la jalousie d’Eliott qui est son voisin de table. Il faut dire aussi que pour Eliott, la vie à la maison n’est pas rose entre les engueulades de ses parents qui ne se supportent plus et la tendance à boire de sa mère. Lui et sa petite sœur Céleste sont un peu livrés à eux-mêmes. La maîtresse Capucine qui est aussi directrice de l’école a une vie amoureuse décevante puisqu’elle vient de se faire plaquer par un homme marié. Mais elle fait tout pour gérer les problèmes du quotidien, ne négliger aucun enfant, se montrer vigilante et avertir ou réunir ses collègues. Lorsque Valentin a peur d’aller à l’école et qu’il n’a plus d’appétit, les adultes réagissent, chacun à sa manière, certains trop tard.
C’est à reculons que j’ai démarré cette lecture puisqu’en tant que prof, la thématique du harcèlement m’est (trop) connue et je craignais les redites et les clichés. J’ai été agréablement surprise de découvrir une histoire étoffée, de multiples personnages qui participent tous de près ou de loin à cette histoire de harcèlement, en tant que victime, harceleur ou témoin. Il est important de comprendre les causes qui provoquent ce besoin d’exercer un pouvoir sur une autre personne, c’est très bien décrit : Eliott va mal, les non-dits l’ont petit à petit étouffé dans une situation où la violence est devenue sa façon de se battre. Et deux copains sont là pour bien rire de ça et renforcer son sentiment de domination. J’ai aussi beaucoup aimé l’image donnée du métier de prof, la surcharge mentale qui n’occupe pas que les heures de cours mais aussi les soirées, les week-ends et une bonne partie des vacances. Les innombrables problèmes pratiques et matériels (les cours à élaborer, les papiers administratifs, les photocopies, le manque d’argent, ...) s’accompagnent toujours toujours toujours de la dimension relationnelle et humaine qui est si complexe. La majorité des profs essaie toujours de faire au mieux, de favoriser l’élève, de l’écouter, de le valoriser, de le comprendre... avec beaucoup d’énergie et d’implication (et de maladresse, c’est sûr !) tout ce qui est si souvent dénigré de la part des enfants et des parents. La place du parent, justement dans la BD est montrée telle qu’elle l’est réellement : primordiale et essentielle, elle a une telle influence sur le jeune !
L’ouvrage (écrit par une professeure des écoles, elle sait de quoi elle parle !) est juste et touchant par moments et s’offre même le luxe de délivrer quelques conseils tout à fait judicieux en matière de lutte contre le harcèlement tout en restant juste et pertinente. Une très belle découverte que je vais, de ce pas, proposer au CDI de mon collège.
Discussion entre l’enseignante et la boulangère :
« Vous savez, une classe, en fin d'année, ça se range, ça se trie, ça se remet en place pour l'année d'après. Et avant la rentrée, il y a tout à préparer. On pourrait y passer notre été si on voulait ! Les cahiers, le matériel, les étiquettes prénoms. Et puis il faut construire nos progressions, préparer ce qu'on va apprendre à nos élèves, réfléchir à un ordre logique, voir comment on les évalue, comment on les fait progresser, comment on les aide à grandir, quoi !
- Ah oui, c'est vrai, je n'avais pas songé à ça. C'est un peu comme nos brioches, elles ne sortent pas toute cuites, toute dorées en un clin d'œil ! Il y a toute une préparation derrière ! »