Après un long voyage en train, Marcia revient dans le village de son enfance, Entre-les-Monts. Avec sa soixantaine assumée et son look élégant et masculin, elle détone. Elle revient voir sa mère mourante qu’elle a quitté des dizaines d’années plus tôt. Elle revient voir Florence aussi (et surtout) qui vient de perdre son mari. Marcia et Florence étaient meilleures amies à l’adolescence, et peut-être même bien plus que cela mais leurs promenades champêtres ont fini par faire jaser le village et la mère de Marcia a interdit sa fille de revoir son amie. Marcia n’avait alors plus qu’une seule idée en tête : fuir pour vivre au grand jour aussi librement qu’elle le souhaite son grand amour, pour se sentir enfin elle-même. Mais elle a fui seule à Paris et Florence, contrairement à ce qu’elle avait promis, ne l’a pas suivie. Les deux femmes se retrouvent enfin, s’expliquent, racontent leur version des faits, taisent enfin les malentendus de l’époque et retrouvent les mots perdus, au sens propre comme au sens figuré.
Quelle belle découverte que cette BD ! Aux couleurs pastel et aux tons surannés, les dessins accompagnent avec poésie les retrouvailles de ces deux femmes. Le scénario évoque avec délicatesse et tendresse l’homosexualité féminine et l’espoir qu’il n’est jamais trop tard. L’album met beaucoup d’optimisme dans cet âge où finalement tout devient enfin possible, on peut se moquer des autres, ceux qui nous ont fait du tort ne sont plus, on peut tout recommencer en mieux, on est plus fort que les parents désormais morts ou grabataires. La relation mère-fille est poignante et très juste avec tout ce qu’elle comporte d’amour et d’insolubles contradictions. Le pardon et la déculpabilisation sont les moteurs qui font mieux avancer. Une BD émouvante et très belle qui offre de magnifiques lumières au sens propre comme au sens figuré et colore un peu plus la vie. Un beau coup de cœur pour le premier album de ces deux auteurs à suivre de près tant ils sont talentueux !
« Je veux juste te dire que même quand tu ne m'aimais pas, moi, je ne pouvais pas m'empêcher de t'aimer. J'ai appris l'amour dans l'absence du tien. Alors merci, Maman. De m'avoir appris à aimer pour deux. »