Texte découvert en Podcast Radio France.
De mer, il s’agit plutôt d’océan puisque le narrateur démarre son observation et sa description à Granville et se poursuit au Mont Saint-Michel. La mer est vue comme un endroit fermé et impénétrable, celle qui sera toujours là quand tous les hommes seront partis. Sont passés en revue : les villages côtiers, les falaises, les marins, la hauteur des vagues et le manque de clairvoyance des hommes qui les sous-estiment (la « pauvreté du monde visible »), mais, surtout, Jules Michelet ne se tourne que vers la nature omnipotente et souveraine : vie sous-marine, volcans, écume, vibrions, algues, crabes, poulpes, méduses, ... Personnifiée, la mer apparaît comme une créature époustouflante, à la fois sublime et effrayante, toujours fascinante et majestueuse. Michelet parvient, avec une grande lucidité, à voir le passé de la mer, le présent et son avenir tellement infini.
Quelle surprise que ce texte ! J’ai dû vérifier par deux fois la date de publication, 1861, tant les mots me paraissaient parfois modernes, poétiques et vivants. Un souffle épique et une certaine grandiloquence muent nous autres humains en de minuscules petites choses insignifiantes. L’écriture taillée, lustrée, ciselée est à la fois magnifique et ensorcelante. J’ai, en partie seulement, écouté ce texte en courant et je me suis sentie dans une autre galaxie. Le texte est parfaitement lu par Clément Bresson (de la Comédie-Française) et l’accompagnement musical (Christophe Hocké, Lucas Valero et Pablo Valero) m’a fait penser à Feu ! Chatterton tant il ne faisait qu’un avec ce texte poétique et tout de même un peu allumé, il faut le reconnaître. Bref, un véritable voyage sensoriel et très particulier.
Fanja ne pourra pas me reprocher d’être à côté de la plaque 😊 en participant à son challenge Book Trip en mer, édition 2025.
« Quelle est son étendue réelle ? Plus grande que celle de la terre, voilà ce qu’on sait le mieux. Sur la surface du globe, l’eau est la généralité, la terre l’exception. »
« Ces eaux nourrissantes sont denses de toutes sortes d’atomes gras, appropriés à la molle nature du poisson, qui paresseusement ouvre la bouche et aspire, nourri comme un embryon au sein de la mère commune. Sait-il qu’il avale ? À peine. La nourriture microscopique est comme un lait qui vient à lui. La grande fatalité du monde, la faim, n’est que pour la terre ; ici, elle est prévenue, ignorée. Aucun effort de mouvement, nulle recherche de nourriture. La vie doit flotter comme un rêve. »
« Telle est la mer, elle est, ce semble, la grande femelle du globe dont l’infatigable désir, la conception permanente, l’enfantement, ne finit jamais. »