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26 mai 2025 1 26 /05 /mai /2025 06:04

Dieu, le temps, les hommes et les anges - Olga Tokarczuk - ROBERT LAFFONT -  Poche - Librairie des femmes Paris

J’avais déjà lu et apprécié Sur les ossements des morts de cette autrice polonaise.

« Antan est l’endroit situé au milieu de l’univers », petit village polonais, il va voir naître, grandir, évoluer et mourir un grand nombre de personnages, notamment ceux de la famille Céleste avec Michel appelé à faire la guerre 14-18 et Geneviève son épouse tombée enceinte juste avant son départ ; la Glaneuse, mendiante prostituée, belle et insolente ; le Mauvais Bougre qui, après avoir commis un crime effroyable, oublie tout et devient un animal ; Florentine devenue « folle subrepticement » à cause de la lune, le châtelain Popielski et son obsession pour un étrange et fantasmagorique jeu de société ; la famille Divin – père et fils pour commencer. C’est sans compter le point de vue de la statue d’une Vierge, celui d’un moulin à café ou encore d’une chienne.

On pourrait lui en attribuer des qualificatifs à ce roman polymorphe : merveilleux, gothique, linguistique, métaphysique, mystique, réaliste, magique, ... A part quelques passages qui m’ont fait penser à Candide de Voltaire, je ne lui ai trouvé rien de ressemblant avec ce que j’avais déjà lu précédemment, il nous emmène dans un monde à la fois réel et imaginaire, un lieu impalpable qui va cependant parler à tous. Un endroit secoué de toutes parts, malmené par les deux guerres mondiales. Parcourant les décennies de 1914 à (presque) notre époque, le roman offre un panorama vertigineux de ce que peuvent être la vie et la mort, de ce que peuvent être les relations entre les humains ou les relations entre les humains et les animaux ou les choses, de cette acceptation ou non du temps qui passe. L’autrice se fait alchimiste et, avec une écriture superbement ciselée, place le lecteur dans une ambiance complètement à part où la femme occupe un grand rôle. J’ai également aimé le personnage d’Isidor, légèrement handicapé et simplet, il finit par voir des « quadruplets » dans tout ce qui l’entoure avant de tomber dans un oubli progressif.  Le moulin à café devient un véritable personnage qui clôt le livre de manière superbe.  Du grand art.

Je participe au challenge de Moka, Les classiques, c’est fantastique, et ce dernier mois de la saison nous demande de piocher dans les thématiques passées. J’ai donc choisi « Prix Goncourt vs Prix Nobel » (saison 4) puisque Tokarczuk a obtenu le Prix Nobel 2018 et aussi « Sacrées femmes, illustres autrices ! » (saison 2) : elle est féministe, pro-européenne et défenseure des droits des minorités en Pologne, elle est également l’autrice polonaise la plus traduite hors de son pays. Bravo à elle !

J'en profite pour remercier notre Moka et son beau challenge, un de seuls que je suis capable de suivre... Merci merci :) 

 

« Mais qu’est-ce qui vous a pris de naître, si c’était pour dormir ? »

Un des mondes proposés dans le Jeu du châtelain : « Ce monde dura très longtemps et il inspira à Dieu un ennui mortel. Dieu descendit donc sur terre et commença à doter chaque animal rencontré de doigts, mains, visage, peau délicate, raison, capacité d'étonnement - bref, Il entreprit de transformer de force les animaux en homme. Mais les animaux ne souhaitaient pas être métamorphosés de la sorte, les hommes leur semblaient monstrueux. Il se concertèrent, attrapèrent Dieu et Le noyèrent. Et les choses en restèrent là. Dans le troisième monde, il n’y a ni Dieu ni homme. »

Isidor est perturbé par l’image qu’il se fait de Dieu, tantôt vieillard, tantôt esprit volatile : « Et c’est alors, non sans un sentiment de culpabilité, qu’il aperçut Dieu, dans le cadre de la lucarne, sous l’aspect d’une femme. « Dieuesse », La nomma-t-il. Cela le soulagea. Il Lui adressa des prières avec une aisance qu'il n'avait jamais éprouvée auparavant. Et Lui parlait comme à une mère. »

 

Dieu, le temps, les hommes et les anges d'Olga Tokarczuk
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commentaires

P
Excellente suggestion de lecture pour ce challenge des classiques. Comme toi, j'avais lu et beaucoup apprécié "Sur les ossements des morts" et je me suis promis de continuer à lire cette autrice (et plus largement la littérature polonaise, si riche). Merci pour cette chronique !
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D
Un ouvrage qui est sur ma PAL depuis bien 2 ans, je ne sais pas pourquoi mais il m'impressionne et je n'ose plonger dedans...
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G
Je ne connais pas ce titre, ni l'autrice d'ailleurs... Mais tu es bien tentante, notamment quand tu dis que ce roman ne ressemble à rien de ce que tu as déjà lu. Ca devient rare cela, j'ai l'impression de plus en plus que les romans se ressemblent souvent. Je note donc ce titre
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V
Oh oui, je suis d'accord avec toi, je suis en train de lire le dernier Tuil et il m'ennuie profondément !
A
Comme toi, je serai bien incapable de dire si j'ai préféré ce titre ou Sur les ossements des morts. Mais j'ai adoré les deux ! Il me reste à lire ses deux très gros pavés, mais ils sont vraiment très gros ( et donc pas transportables ) ...
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V
Je ne savais pas qu’il y avait de gros pavés… le nombre de pages peut toujours freiner un peu.
G
Une autrice que j'aimerai bien découvrir
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V
Je ne peux que t’y inciter!
D
Ce roman semble avoir un style et un univers à part. Et je vois que tu as adoré : je note :)
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V
Ah oui, une pépite hors du temps... et hors du commun :)
V
Qu'est-ce que j'ai aimé ce roman ! Je l'ai même préféré à Sur les ossements des morts. Cette autrice est incroyable, il faudrait que je lise le reste de son oeuvre.
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V
Je me dis la même chose : lire tout ce qu'elle a écrit !
S
J'ai abandonné au bout d'une centaine de pages... Je n'y comprenais rien (si je me souviens bien).
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V
Ça arrive, et je peux comprendre avec ce roman aux multiples personnages.
I
C'est peut-être mon titre préféré de cet auteur... qu'est-ce que je l'avais aimé, il est beau, tout simplement...
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V
C’est très fort aussi.
K
J'en ai lu pas mal de l'auteure, mais pas celui ci. Vraiment un univers incroyable dans ses romans et ses nouvelles
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V
Oui, je le découvre à peine…
F
Je n'avais pas été complètement conquise par Sur les ossements des morts du coup je ne suis pas revenue à cette autrice, mais je devrais peut-être lui donner une seconde chance...
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V
Je ne saurais même pas dire lequel j’ai préféré, tiens!
S
J’avais déjà lu et apprécié Sur les ossements des morts et Le banquet des Empouses, mais pas encore celui-là. Mais ça se fera car j'aime cette auteure
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V
Quel talent! Je continuerai aussi ma découverte.
A
Je ne sais plus quel roman de cette auteure j'avais lu. Son univers ne m'avait pas plu.
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V
Ah zut alors... une autre tentative, peut-être?
L
j'aime beaucoup cette auteure pour l'instant les deux romans que j'ai lus d'elle (dont celui-là) m'ont vraiment beaucoup plu.
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V
Nous voilà d'accord.
M
Finalement tu me fais penser en te lisant ce matin, que je n'avais lu d'elle que "Les Pérégrins" et cela fait déjà presque 5 ans...que le temps passe. J'ai déjà noté ce titre et deux autres qui sont dans ma médiathèque en ville. Mais je finis par ne plus regarder mes listes tant elles sont trop longue. Merci en tous les cas de me donner envie de poursuivre ma découverte de cette incroyable autrice
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V
Elle mérite bien son Nobel ! je lirai un autre de ses titres, je pense, mais pas dans l'immédiat.
K
Je l'ai lu, celui-ci, et aimé dans son étrangeté, comme toi... Je me suis tâtée pour prendre un autre de ses romans à la bibli samedi, mais j'étais déjà bien chargée ! ;-)
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V
il faut sans cesse faire choix et concessions, n'est-ce pas? :)
S
Voilà qui semble riche et passionnant. Tu n'indiques pas le nombre de pages, beaucoup je suppose ?
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V
c'est vrai que je n'ai pas cette habitude : à peu près 400 pages. D'une richesse incroyable, en effet !