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11 mai 2025 7 11 /05 /mai /2025 03:01

Pietra Viva, Léonor de Récondo | Livre de Poche

Rome, au printemps 1505. Michel-Ange vient d’apprendre une bien triste nouvelle, celle de la mort d’Andrea, un moine dont il admirait tant la beauté. Il ne peut se résoudre à disséquer le corps comme il a l’habitude de le faire pour d’autres cadavres qu’on lui apporte. Il se réfugie à Carrare pour faire taire son chagrin et surtout choisir dans cette ville toscane les meilleurs marbres pour tailler le tombeau réclamé par le pape Jules II. Des carriers, Michel-Ange va en croiser beaucoup, ces artisans prêts à donner leur vie pour un beau bloc de marbre. Mais ce sont deux rencontres particulières qui vont chambouler sa manière de penser : Cavallino, un homme qui se prend pour un cheval, parle aux animaux et les aime plus que les hommes, et Michele, un enfant qui a perdu sa mère. Si le sculpteur prétend qu’il n’aime pas les enfants (et son mauvais caractère le pousse à le dire tout haut et à souvent envoyer promener Michele), ce petit garçon va ouvrir en lui une brèche, le comprendre mieux que le pourrait n’importe quel adulte et l’aider à retrouver son chemin. Michel-Ange reviendra à Rome plus apaisé.

J’ai choisi ce livre parce qu’ayant la chance de visiter Rome, j’avais envie de lire un livre sur Michel-Ange. Si je n’ai eu droit qu’à un petit aperçu de sa longue vie (il est mort à 89 ans !), que j’aurais suivre la création du tombeau dédié à Jules II ainsi que l’élaboration d’autres de ses œuvres, j’ai été charmée par ce petit bijou de récit. C’est la première fois que je lis cette autrice et je ne regrette pas du tout mon choix. Ses phrases sont simples, écrites au présent, elle va à l’essentiel avec une clarté très juste et lumineuse qui la rapproche de la poésie. La morale qui repose sur la lucidité des enfants et la sagesse des fous s’accompagne d’une réflexion sur le pardon et l’humilité, le travail des carriers mais aussi sur la mort et le souvenir des êtres chers qui se sont tus. Les chapitres sont très courts, comme des éclats de marbre, d’une admirable pureté et d’une grande délicatesse, l’autrice est même parvenue à exprimer à travers les mots la sensualité et la sensation tactile propres à la sculpture, chapeau ! Une très belle lecture et un coup de cœur pour moi.

Pour la petite anecdote, Michel-Ange tient à suivre scrupuleusement les conseils santé de son père : il se lave le moins souvent possible et se couche toujours habillé. (L’eau transporte les maladies, il faut l’éviter au maximum !)

A propos de la Pietà : « Je n'ai jamais signé une œuvre auparavant, mais je me suis décidé à le faire pour celle-ci parce qu'un sculpteur milanais cherchait à se l'attribuer. Une nuit, je me suis laissé enfermer dans Saint- Pierre. Dans l’obscurité de la chapelle où se trouve la sculpture, j'ai gravé mon nom sur le bandeau qui traverse la robe de la Vierge. Entre deux coups de marteau, j'entends une petite voix qui m'appelle. Je me retourne, je ne vois rien. La bougie, accrochée à mon petit chapeau de papier, éclaire peu. La voix brise à nouveau le silence monumental qui m'entoure : « Je suis sur votre droite, maître, juste derrière la grille. Je suis une de des sœurs du couvent et je n'ai pas le droit de vous montrer mon visage. J'ai une immense faveur à vous demander. » Elle hésite et continue : « Donnez-moi un peu du Christ, un peu de sa poussière de marbre ! »

Pour Michel-Ange, la sculpture est une vraie vocation (il n’a jamais vraiment aimé peindre et n’a pas voulu réaliser la fresque de la Chapelle Sixtine) qu’il s’est découverte au contact des tailleurs de pierre : « À force de côtoyer leurs rires et la montagne, la fièvre de la pierre était entrée en lui et ne l'avait plus quitté. Elle était entrée comme un torrent. Ce qui l'intéressait, c'était de toucher les outils, les voler pour les utiliser à sa guise, mentir le plus dignement possible en disant que non, ce n'était pas lui. Prendre des bouts de pierre tombés ou délaissés par les tailleurs, jouer avec, les cogner les uns contre les autres, écouter la musique qui en résultait, l'imprimer dans son cœur afin de ne jamais l'oublier et, surtout, se dire qu'en apprenant à maîtriser la pierre, il apprendrait à maîtriser le monde, plus exactement à le sculpter au gré de son imagination, et Dieu sait s’il en avait. »

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commentaires

D
Coucou Violette, <br /> Une auteure que j'aime beaucoup. J'avais adoré Pietra Viva et j'ai aimé Amours.<br /> Par contre je n'ai pas accroché à l'un de ses derniers "Le grand feu" qui m'a laissé ... de marbre ou froide .<br /> Bonne soirée, bisous<br /> P.S : je ne sais pas où j'étais dans ces derniers mois, je suis peu intervenue sur la blogosphère ....
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J
Une autrice que je n'au jamais lue. Ce serait l'occasion^^
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L
je viens de voir que l'annonce de ce billet était parti dans les spams !
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P
Je rentre de vacances et je viens voir ce que tu as lu en mon absence. Cet auteur, je le connais, mais je n'ai rien lu de lui. Ce livre pourrait m'intéresser...
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D
Bonsoir, Léonor est une femme.
G
J'ai bien aimé cette lecture, mais elle ne m'est pas resté longtemps en mémoire.
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M
Un livre que j'ai lu et beaucoup apprécié moi aussi...il y a 10 ans et je me remémore les détails de l'histoire grâce à toi !
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V
ah chouette, ça me fait très plaisir :) !
L
Je me souviens que j'avais beaucoup aimé sur le coup, mais plusieurs années après, il m'est impossible de m'en souvenir ! Il fait partie de ces romans avec lesquels on passe un bon moment mais qui ne marquent pas sur le long terme. Pour moi en tout cas.
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V
Ah dommage... il est court aussi, ce qui ne facilite pas la mémorisation !
A
Il faudrait que je le relise, j'étais complètement passée à côté.
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V
Ah oui? c'est une petite pépite pour moi.
G
Bien tentée ! Je n'ai lu qu'un livre de cette autrice (revenir à toi) j'avais vraiment beaucoup aimé, je te le conseille :)
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V
Ok, je note, merci.
I
Mon avis suite à cette lecture avait été plus mitigé, je ne sais plus trop pourquoi, mais je l'avais lu juste après le roman de Mathias Enard sur Michel-Ange (Parle-leur de batailles...), et il avait peut-être souffert de la comparaison...
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V
C'est possible. Pour moi, il n'est pas parfait et je suis un peu restée sur ma faim mais certains passages sont sublimes.
S
Tu as réussi à me tenter alors que tout ce qui précède le 18e siècle a du mal à m'intéresser !
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V
Le comble, c'est que je suis un peu comme toi, je serais même allée jusqu'au XIXè, tiens :)
D
Je vois que c'est un coup de coeur qui réussit à nous faire ressentir de l'intérieur la joie de sculpter. Je note ce titre !
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V
C'est vraiment un beau petit roman.
E
J'avais beaucoup aimé aussi !
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V
Nous voilà d'accord !
A
Je n'apprécie pas particulièrement l'autrice, mais j'avais beaucoup aimé ce titre, principalement pour ce qu'il dit du rapport de Miguel Ange avec le marbre. Ma lecture est ancienne, mais je me souviens de belles fulgurances sur ce sujet.
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V
Oui, certains passages sont de toute beauté. Comme c'est la première fois que je lis l'autrice, je n'ai pas de point de comparaison.