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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 10:39

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Contes de l’indigène et du voyageur

J’avais découvert cet auteur en lisant A son image qui, je trouve, n’a vraiment rien à voir avec Nord Sentinelle, court roman qui devrait être le premier d’une trilogie.

Sur un port corse, un beau soir d’été, Alexandre Romani poignarde un étudiant en médecine, Alban Genevey, « devant une foule attentive de témoins avinés » avant de prendre la fuite. Pourquoi ce geste ? Alexandre s’était senti menacé quand Alban avait introduit dans son restaurant une bouteille de vin qu’il buvait en cachette (et si Alban l’avait fait, c’est parce qu’il s’était vexé : il avait trouvé que la veille, le vin commandé qui n’était pas encore à la carte, était bien trop cher). La « blague » n’a pas plu à ce descendant de famille de riches dont les membres rivalisent d’arrogance depuis des décennies et détiennent le pouvoir dans ce coin de l’île. Le narrateur, un ami de la famille, par des bonds dans le temps, comble les vides et raconte l’histoire de cette famille qui a du mal avec la conception de « l’étranger » et où l’argent facile coule à flots.

Si le sous-titre comporte le mot de « contes », c’est que l’auteur, de manière subtile et adroite, démarre chaque chapitre (qui s’apparente à une nouvelle) comme une nouvelle histoire pour finalement retrouver le fil de l’intrigue entamée précédemment. Finalement, on retombe sur nos pattes, les pièces du puzzle s’imbriquent avec brio et le récit est rondement mené. Dans un méli-mélo de genres, avec des phrases longues à n’en plus finir, l’auteur se veut à la fois enquêteur, poète, conteur, historien, chroniqueur et il parvient même à saupoudrer le tout d’humour. Si je n’ai pas été particulièrement charmée par cette histoire, le style de Ferrari m’a beaucoup plu. Corrosif à souhait, il nous embarque à travers les siècles, de la tragédie grecque au tourisme de masse de notre millénaire pour évoquer des thèmes allant de l’altérité au sentiment d’appartenance en passant par l’amitié. J’ai beaucoup aimé et je reviendrai vers cet écrivain, je veux bien que vous me conseilliez des titres (avec de l’humour si possible, parce qu’il me semble qu’il n’y en avait pas dans A son image).

La mère d’Alexandre « a décidé de garder le fruit de leurs sordides et insignifiantes copulations et de le porter jusqu'à complète maturation pour offrir au monde un Romani supplémentaire, c'est-à-dire, comme on pouvait le prévoir dès sa conception, un parasite alangui, violent et oisif, un être irresponsable, charmeur et dénué de tout scrupule, comme le furent - en vertu, non de l'hérédité, mais d'une solide culture familiale consistant en l'absence totale de principes éducatifs élémentaires alliée à un colossal sentiment de supériorité - tous ses ancêtres, à commencer par l’heureux père, Philippe, ce que j'étais bien placé pour savoir qui, puisqu'il était, depuis toujours, mon meilleur ami - tant il est vrai que nous ne choisissons pas plus nos amis que notre famille. »

Une épidémie de folie meurtrière s’empare de la plupart du bétail et des animaux sauvages : « Après le taureau meurtrier, les cochons carnivores et l'âne anthropophage on évoquait ainsi un renard grignoteur qui aurait vicieusement mâchouillé, dans les gîtes d’étapes,  les orteils de randonneurs déjà épuisés par les attaques vampiriques des punaises de lit, des scorpions agressifs qui, dissimulés dans l'obscurité humide des salles de bains, piquaient les imprudents sans qu'il fût besoin de leur marcher dessus ou se cachaient sciemment sous l'abattant des toilettes, des boucs et des mouflons kamikazes et même une redoutable mouette énucléeuse semant la terreur sur des plages où, pendant plusieurs jours, personne n'osa plus retirer, fût-ce pour un instant, ses lunettes de soleil. »

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commentaires

T
Je n'avais effectivement pas remarqué ce côté conte qui démarre à chaque chapitre, c'est peut-être bien pour ça que je perdais parfois un peu le fil 😅
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E
je n'ai encore rien lu de lui... à voir à l'occasion!
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V
Difficile de connaître tous les auteurs, hélas !
F
Toujours pas lu cet auteur, mais ce livre dont on a beaucoup parlé lors de la rentrée littéraire me disait bien. Bon l'histoire n'a pas su te séduire complètement on dirait, mais le style, si. A voir donc.
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V
C’est vite lu et ça passe bien, n’hésite pas !
A
ce livre de l'auteur est vraiment ) part. Ses autres écrits sont plus classiques.
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V
Ah c’est dommage alors :) !
S
Les phrases interminables pourraient me rebuter mais sur un volume assez court, je pense essayer quand même car l'humour et le sujet du tourisme de masse me tentent.
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V
Oui ça se lit bien, pas de problème.
G
Lu l'automne dernier, et c'est avec ce titre que j'ai fait connaissance avec la plume de Jérôme Ferrari . Et bien un peu comme toi, j'ai aimé le style, les bons mots et l'humour, mais l'histoire ne m'a pas passionnée !
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V
C’est toi qui m’avait motivée, je ne m’en souvenais plus. Nous voilà d’accord !
I
Je n'ai lu que Ni Dieu ni animal, il y a très longtemps, qui est de mémoire dénué de tout humour. J'ai abandonné "Le sermon" au bout d'une 30aine de pages, car je n'y pipais rien.. mais celui-là me tente assez.
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V
Tu me refroidis pour lire d’autres titres ! Le sermon m’a toujours effrayée aussi.
K
Je n'ai lu que Le sermon... et ce nord sentinelle, et espère continuer!
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V
Tu me diras par quoi continuer alors ;)
K
J'ai lu aussi Le sermon sur la chute de Rome et Un dieu, un animal, mais ne me souviens pas y avoir trouvé beaucoup d'humour. Peut-être va-t-il falloir attendre le suivant de la trilogie ? Si on y retrouve le fameux style de Jérôme Ferrari, cet humour fait mieux passer les choses, je trouve.
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V
Je ne sais pas, je n’ai lu que ce tome…