Après avoir beaucoup apprécié L’eau rouge, il me tardait de lire un autre titre de l’auteur, il m’est tombé tout cuit dans le bec puisqu’on me l’a offert (merci !)
Viktorija, 17 ans, est retrouvée assassinée dans une usine désaffectée. Cette fille d’un ponte en neurologie était sortie en boîte de nuit avec son amie et cousine, Karmen, l’a brutalement quittée et serait partie avec un type dans une voiture blanche. Le véhicule sur les caméras de surveillance est bien le seul indice que possèdent alors les flics. Zvone est un policier qui ne s’est jamais distingué ni par son physique, ni par ses compétences mais semble avoir plus de jugeote que Tomas qui veut avant tout expédier cette affaire. En parallèle, on fait la rencontre d’une famille modeste : Katja la mère veuve femme de ménage, Inès 25 ans, hôtesse d’accueil d’un grand hôtel et maîtresse du patron et Mario, un jeune looser qui passe ses journées à ne rien faire. Qui a bien pu tuer Viktorija ? Tout porte à croire que Mario est impliqué dans l’affaire puisque les deux femmes retrouvent un survêtement et une bandoulière tachée de sang. Mais on ne parle pas dans cette famille, les femmes agissent alors que l’homme se terre. La police patauge, prête à presque tout pour mettre un nom sur le coupable.
J’ai retrouvé les qualités déjà appréciées à la lecture de L’eau rouge, le long déroulement de l’intrigue, les personnages que l’auteur prend le temps de dessiner petit à petit, ce contexte spatial qu’est la Croatie. On s’immerge très rapidement dans l’histoire, et, si le suspense n’est pas haletant et insupportable, on a bien envie de connaître la suite et le coupable de ce crime. Et puis, il y a tout ce qui entoure l’enquête : les problèmes de communication dans une famille, le deuil, cette ville de Split qui ne vit que pour son tourisme, le désœuvrement des jeunes, l’impact des réseaux sociaux... tant et si bien que l’auteur brosse un portrait très juste d’une société qui va mal dans un pays qui donne sans doute l’illusion d’aller bien. L’alternance des points de vue est appréciable (celui de Zvone, d’Inès et de Katja) et permet d’entrer à la lisière des pensées des personnages sans pour autant tout en dévoiler. J’ai beaucoup aimé ce roman qui m’a fait penser au style de Mankell (pour les rapportes père/fils notamment) mais amateurs de rebondissements à répétition, de sang qui coule et de courses-poursuites, passez votre chemin, tout n’est que langueur, nonchalance et long désenchantement, absolument pas incompatibles avec une grande force. C’est un coup de cœur !
Katja va régulièrement se recueillir à l’église : « L’autel le plus fastidieux est consacré à Notre-Dame des Sept Douleurs. Un relief de la Vierge trône au milieu de l'autel, elle est vêtue d'une tunique et a l'air émue. De sa poitrine déborde un cœur jaune chromé d’où partent radialement sept couteaux. Deux mots sont écrits sous le relief, des mots en latin, mais que tout le monde comprend : Mater Dolorosa. Mère de toutes les mères, une mère qui souffre comme chacune des femmes ici, comme moi, pense souvent Katja. »