J’ai une seule expérience de cette grande autrice et qui n’a pas été concluante : j’ai découvert Home en livre audio et, (l’aventure ne s’est jamais renouvelée), j’ai été tellement hypnotisée par la belle voix de la lectrice que je n’ai rien compris à l’histoire.
Début du XVIIè siècle. Jacob Vaark, fermier et commerçant, propriétaire d’une vaste terre, se voit plus ou moins contraint de choisir des esclaves : Florens, une petite fille noire, viendra compléter le trio des femmes esclaves (Lina l’Indienne et Sorrow la Blanche) et devrait ainsi contenter sa femme Rebekka, qui n’a jamais gardé un enfant. La famille vit en autarcie, isolée des baptistes et des presbytériens. Les femmes, surtout Lina et Rebekka, se comprennent et se rapprochent pour s’entraider. Certains chapitres se font entendre à la première personne, c’est Florens qui s’exprime et, entre rêves, craintes et espoirs, nous laisse entendre sa petite voix.
Il est des rencontres qui ne se font pas... Je croyais que c’était le support audio qui était responsable de la barrière qui a freiné la bonne compréhension de Home mais j’ai rencontré les mêmes difficultés de lecture (et de concentration !) pour Un don. J’ai dû relire des passages, revenir au début du livre, j’ai mis du temps à comprendre qu’il y avait plusieurs voix, dans une même phrase je me suis retrouvée perplexe quant à sa construction, quant à son sens. Evidemment que j’ai bien senti qu’il s’agissait d’une grande autrice, que certains passages dégageaient une grande force. Mais je saurai, si je la relis un jour, qu’il me faudra une concentration maximale. C’est quand même dommage, pour une thématique si importante, de rendre le texte tellement complexe, abscons et touffu. Pour revenir au contenu lui-même, c’est l’écart énorme entre d’un côté les hommes et très loin (derrière) les femmes qui m’a frappée. L’homme symbolise le Mal, la peur, la souffrance, l’anéantissement... Jacob est la seule exception. La vie des femmes n’est faite que de drames, de déceptions au mieux, de viols, de maladies et de morts au pire. Bref, ce n’est pas gai.
Hâte de lire ce que nos camarades de challenge Les Classiques c’est fantastique by Moka ont choisi chez Toni Morrison, prix Nobel de Littérature 1993.
Les affiches destinées à choisir un/une esclave (il/elle n’était pas nécessairement noir/e) : « Belle femme qui a déjà eu la variole et la rougeole... Beau négrillon d’environ neuf ans... Fille ou femme bonne en cuisine, raisonnable, parlant bien anglais, à la peau entre le jaune et le noir... Cinq années de service d’une engagée blanche qui connaît les travaux de la terre, avec enfant de deux ans passés... [...] Allemande en bonne santé à louer »
Lina et Rebekka : « Elles devinrent amies. Pas seulement parce qu'il fallait bien quelqu'un pour retirer le dard d'une guêpe du bras de l'autre. Pas seulement parce qu'il fallait bien être deux pour écarter la vache de la clôture. Pas seulement parce qu'il en fallait une pour tenir la tête pendant que l'autre attachait les sabots. Mais surtout parce que ni l'une ni l'autre ne savaient précisément ce qu’elles faisaient ou comment elles le faisaient. Ensemble, à travers les épreuves et leurs erreurs, elles apprirent : comment éloigner les renards ; comment et quand charrier et étaler le purin ; la différence entre mortel et comestible et le goût douceâtre de la fléole des prés ; l'allure des porcs frappés du mal rouge ; ce qui rendait liquides les selles du bébé et ce qui les durcissait au point de lui faire mal. »
« Les anabaptistes avaient-ils donc raison ? Le bonheur était-il le piège de Satan, sa ruse trop tentante ? Sa piété était-elle fragile au point de n'être qu'un leurre ? Son indépendance obstinée un vrai blasphème ? Était-ce pour cela qu’au sommet de son bonheur la mort se tourna une fois de plus de son côté. Et lui souriait ? »