Comme j’ai tout aimé de l’auteur, il me tardait de découvrir ce roman.
Nous sommes en octobre 1939. La Finlande, indépendante depuis seulement vingt-deux ans, commence à craindre que la Russie ne lui déclare la guerre. L’état soviétique, se pensant plus malin, abat lui-même quelques-uns de ses officiers, retournant la situation, accusant la Finlande de l’attaque. Si la Finlande est cinquante fois plus petite que son ennemie, certains de ses hommes sont à craindre : Sinno, un réserviste devenu tireur d’élite, surnommé « La Mort blanche » ; pas foncièrement mauvais, il met un point d’honneur à ne rater aucune cible et à apprendre de chaque expérience. Il faut dire aussi que les Russes accumulent les bourdes et les inepties, ils ont recruté des gars de Crimée qui ne connaissent pas les températures négatives alors qu’il fait -30, ils sont très mal équipés préférant investir dans des immenses portraits de Staline que dans des vêtements chauds, ils sont maladroits dans leurs tactiques, méconnaissant totalement ce terrain dangereux pour eux, ils font preuve de mauvaise foi et mentent constamment. Cette guerre qui devait durer une semaine ou deux tout au plus va se terminer le 13 mars 1940.
Olivier Norek a prouvé avec ce roman de guerre qu’il savait se renouveler et ne pas croupir (avec talent pourtant !) dans le genre du polar. La mission est accomplie haut la main. Le récit est haletant de bout en bout, l’auteur rend passionnant ce pan d’Histoire méconnu (de moi en tous cas), il nous fait voyager dans ces contrées blanches, froides et hostiles. On s’attache à ces hommes et à ces rares femmes qui ont fait l’Histoire. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, il y a, par exemple, Viktor, ce petit frère tout jeune qui voulait absolument s’engager et qu’une bonne étoile maintient inexplicablement en vie malgré de sacrées mésaventures. Il y a Lapatossu, ce clown qui harangue et distrait les troupes de soldats. Avec ce souffle épique, j’ai un peu retrouvé l’esprit de La Religion de Tim Willocks (en moins bestial peut-être, quoique...) avec un vrai héros, digne de ce nom, Sinno. L’image de la Russie (qui n’est pas sans rappeler celle d’aujourd’hui...) en prend pour son grade, les officiers sont tous montrés comme bêtes, méchants et incompétents (les soldats prendront des cours de ski pour pouvoir avancer dans la neige !) et on se réjouit forcément de voir ce Goliath mis à mal par un David si malin. En pacifiste convaincue que je suis, je ne peux en faire un coup de cœur mais je conseille cette lecture, ne serait-ce que pour en apprendre davantage sur cette Guerre d’Hiver et sur ce pays incroyable qu’est la Finlande.
Le début de la guerre : « Le jour d'après, aux premières heures du matin, alors que les mots choisis « d'amitié inviolable » résonnaient encore, l'une des plus grandes puissances militaires du monde attaqua une des plus petites nations de la planète. »
« Lorsque la nuit tomba et qu'il rentra au campement, la tête encore pleine du tonnerre de la journée, Viktor leva les yeux au ciel, et lorsqu'il imagina là-haut la présence de Dieu, il les baissa de honte. Il ne s'agissait plus de chercher à savoir qui avait raison d'un côté ou de l'autre du front, mais de savoir pourquoi et comment on en était arrivé là, à se tuer les uns les autres, comme si les vies n'avaient plus aucune valeur. »
« Toute erreur de l'ennemi devenait un enseignement pour le jeune soldat, et depuis, Simo confectionnait de petites boules de neige tassée qu'il mettait dans sa bouche et qu'il laissait fondre afin de ne pas être trahi par les trente-sept degrés de son souffle. »