Après 27 ans sans sa sœur Sarah, disparue quand elle avait vingt-deux ans, Lisa part sur ses traces. Sarah est partie six semaines au Groenland, en 1982, à la suite d’une dépression, après avoir perdu une amie très proche, et elle n’est jamais revenue. Sans trop comprendre pourquoi, Lisa entreprend ce long voyage aux sept escales et revient sur ce passé douloureux : l’attente des parents à Roissy, l’absence qui ne sera jamais comblée, le détective engagé pour rien, la mère si souvent en larmes, le lent délitement familial, sa propre anorexie pour signifier à ses parents qu’ils ont encore une fille, et des années plus tard une sœur déclarée morte sans qu’aucun corps ne soit retrouvé.
J’ai retrouvé ce que j’aime chez Valentine Goby : la beauté de son écriture, son talent quand il s’agit de décrire à la fois les paysages et les sentiments, ce don pour magnifier les choses. On partage la douleur des parents qui n’ont plus vu revenir cette fille mais aussi le désarroi de la sœur qui reste devenue un peu orpheline puisque tout a tourné pendant des années autour de l’absente. Le roman s’apparente à une enquête sans en être vraiment une mais il est aussi le texte d’un endroit, d’un espace, d’un lieu, cette île du Groenland menacée par le réchauffement climatique de manière très (trop) concrète (là où il pouvait faire -40, il fait 0 degré) qui ne vivait que pour sa banquise. J’ai beaucoup aimé vivre quelque temps là-bas à l’époque où Lisa y est restée coincée à cause de ce fameux nuage de cendres (en 2010), découvrir le mode de vie de cette île, Uummannaq, son fjord, son quotidien rude, ses fêtes, ses chiens-loups, ses traîneaux, la glace qui craque... J’ai pris du plaisir à lire ce roman même si le thème de la personne disparue n’est pas nouveau, même si ce n’est pas mon roman préféré de l’autrice.
Aux questionnements des parents, on leur a sans cesse répondu « Elle est majeure » : « C’est ce qu'ils font tous les deux. Ils se collent, regardez, encastrent l'une dans l'autre leurs peurs. Ils se tiennent, là, épuisés, devant les portes automatiques qui s'ouvrent et se ferment, carapaçonnés contre les règlements, les lois absurdes, aussi fort qu'ils se sont tenus il y a vingt-trois ans, quand ils ont conçu cette enfant pas revenue, et s'imbriquant ils l'enfantent au fond de leurs tripes encore une fois, la recréent, la reveulent, se serrent à s'étouffer. »
La vie des parents après la disparition de Sarah :« Ils la maintiennent vivante, c'est leur obsession, ils se la remémorent sans cesse. Pas pour comprendre ou fournir des indices détectives, à la police. Ils ressassent pour la tenir au chaud en eux, ils nient la rupture, la colmatent, ils sont dans l'éternel présent. Ils ouvrent les albums photos, chaque cliché évoque un événement, une fête d'école, un spectacle, une réunion de famille, un anniversaire. »
De la même autrice : L'île haute, Kinderzimmer, Un paquebot dans les arbres.
J'avais choisi Valentine Goby autrice chouchou pour le beau challenge de Géraldine.
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