Tass, une jeune femme professeure de français, retourne sur son île, la Nouvelle-Calédonie, à la suite d’une rupture amoureuse. De toute façon, elle ne s’est jamais sentie complètement chez elle en métropole et n’a jamais su l’expliquer à son ex-compagnon. Dans l’une de ses classes, elle est intriguée par des jumeaux kanaks, Célestin et Pénélope, qui affichent un tatouage lié à un mouvement indépendantiste. Le jour où ils ne viennent plus au lycée, elle mène l’enquête, ce qui la conduira à en apprendre davantage sur l’histoire complexe de son île et sur des rebelles pacifiques néanmoins déterminés.
Entre roman et documentaire, Alice Zeniter semble vouloir offrir aux lecteurs un aperçu assez détaillé de ce qu’est la Nouvelle-Calédonie. Faune, flore, climat, parfums, géographie, gastronomie, habitants, tout y passe, et ça ne m’a pas du tout déplu, moi qui n’y connaissais pas grand-chose. Elle fouille son sujet à fond, donnant une image complexe et subtile de l’île et de ses problématiques. Mais je trouve qu’une insistance trop importante a été faite sur ce mouvement indépendantiste qui prône l’« empathie violente », l’intrigue même du roman s’est éloignée avec ses personnages pourtant intéressants et certains passages m’ont un peu perdue. J’ai aimé découvrir les coutumes et les traditions de « la Nouvelle » : les maisons emboucanées (ensorcelées) qu’on peut désemboucaner, les mettre à l’abri du mauvais sort ; le kava, cette décoction amère qu’on sirote pour s’enivrer dans un nakamal (lieu de rencontre), les cyclones que chacun appréhende à sa manière, les cagous (de gros oiseaux qui ne volent pas), les méliphages (sortes de corbeaux), ces adorables margouillats qui entrent dans les maisons... Pour conclure, ça a été pour moi un roman intéressant sans être captivant. J'ai nettement préféré L'Art de perdre.
(pour l’anecdote, du limoncello a été renversé sur la couverture de ce livre lors d’une escapade à Bruxelles... malheureusement, le livre n’en a pas gardé l’odeur !)
« La place des Cocotiers ressemble à un album pour enfants sur lequel on aurait collé, avec un plaisir féroce et sans minutie, toutes les gommettes disponibles. Les taches de couleur des parasols et des barnums sont rondes, carrées, bleues, vertes, rouges, pointues ou arrondies. Il faut y ajouter les stands protégés uniquement par un drap tendu, ceux hérissés d'une ombrelle ou d'un parapluie qui tient comme il peut sur un sommet branlant, et les tables qui étalent leur chalandise directement sous le soleil du matin. Taches de couleur partout, aveuglantes et disparates dans la lumière un peu grise. Des grille-pains côtoient des lampes sans abat-jour, des petits altères fluo écrasent des chaussures de randonnée, des tomes d'encyclopédie désuets s’élèvent en muraille à côté d'une carafe, des bijoux de pacotille sont exposés sur une table à langer. »
« Être kanak, dit FidR, c’est savoir ce qui est juste, ce qu’est l’honneur, et être capable de l’emporter dans un autre endroit si quelqu’un le menace ou le gâte. »
Les principes du mouvement indépendantiste : « créer chez les Blancs un sentiment de dépossession, troubler l’évidence du chez-soi, limer la confiance qu’ils ont dans leur statut de propriétaire. »