Deux nouvelles, la première de 35 pages, la seconde de 56 pages, appartenant toutes deux au genre de la science-fiction.
« La Mouche » retrace le parcours d’un scientifique, Robert Browning, que l’on retrouve mort, au début de la nouvelle, écrasé par un énorme marteau-pilon actionné volontairement par son épouse, Anne. Cette dernière a été déclarée folle mais le narrateur est rapidement persuadé qu’elle est saine d’esprit et, en confiance, elle lui remet les confessions de feu son mari. Ayant mis au point une cabine de transmission qui permet de téléporter des objets et des êtres d’une pièce à l’autre, Browning, après un cendrier, un chat, un cobaye et un chien, décide de la tester sur lui-même mais une mouche s’est glissée dans la cabine avec lui. Résultat : il en ressort mi-homme mi-mouche avec une tête de chat (celui-ci avait disparu). La femme, épouvantée, décide de suivre la recommandation de le tuer. Mais une étrange mouche à tête blanche volette encore dans les parages...
Dans « Temps mort », il est question de relativité et du temps qui passe. Yvon Darnier accepte d’être cobaye : après une injection, il se retrouve bloqué dans une sorte d'autre dimension, dans un Paris où lui seul est encore vivant, entouré d’êtres encore chauds mais morts, figés dans le temps. Lorsqu’il se passe un mois pour lui, il ne s’agit que d’une minute dans l’espace-temps de son monde initial. Il met par écrit tout ce qu’il vit et voit, finit par constater que ce monde figé ne l’est pas tant que ça puisqu’il bouge de quelques millimètres en ce qui constitue pour lui des mois. Il va revenir à la « vraie » vie mais dans quel état...
... Ou quand l’adaptation cinématographique éclipse complètement la nouvelle qui l’a inspirée ! En effet, qui connaît Georges Langelaan, agent secret passionné de sciences et d’histoire ? Il est étonnant de savoir qu’un texte aussi court a pu donner lieu à au moins trois films (que je ne pense pas avoir vus). En non-adepte de la science-fiction, j’ai vraiment beaucoup aimé ces deux nouvelles et davantage « Temps mort » que j’ai trouvé à la fois passionnant et intéressant. Le personnage évolue dans un Paris figé, il se promène dans les Galeries Lafayette, l’Opéra, le long de la Seine ou encore les Grands Magasins du Louvre, touche des vendeuses et serveurs statufiés en pleine action, mange la nourriture laissée dans les assiettes et toujours restée chaude, il avance dans un monde silencieux où seul un gong retentit régulièrement. Cette solitude au milieu d’une foule inerte a de quoi fasciner et j’ai trouvé que l’écriture rendait l’histoire aussi captivante qu’effrayante.
Une belle découverte pour un livre qui traînait depuis longtemps dans ma PAL et que je n’aurais peut-être pas sorti sans le challenge Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue dédié aux nouvelles.
Récit de la femme de Browning dans la « Mouche » : « Jamais je ne pourrai effacer l'image de cette tête de cauchemar, cette tête blanche, velue, au crâne plat, aux oreilles de chat, mais dont les yeux auraient été recouverts par deux plaques brunes, grandes comme des assiettes et remontant jusqu'aux oreilles pointues. Rose et palpitant, le museau était aussi celui d'un chat, mais à la place de la bouche était une fente verticale garnie de longs poils roux et doux et d’où pendait une sorte de trompe noire et velue qui s'évasait en forme de trompette. »
« Temps mort » : « Sauf accident, je pourrais survivre encore un bon moment, tel un nouveau Robinson Crusoé égaré dans le cœur de Paris, capable de voir et de toucher des millions de gens et pourtant complètement seuls au monde, sans même un perroquet ou une chèvre, peut-être même sans un seul microbe pour m'aider à tomber malade et à mourir. Combien de temps pourrais-je supporter de vivre dans le silence effrayant de cet immense musée Grévin ? Je préférai ne pas y penser et je laissai mon esprit s'occuper de ce qui pouvait et devait être fait. »