Jean-Luc Bianchi est le directeur de l’hôpital de Reims, ou plutôt il « était » le directeur de l’hôpital où Vincent Lambert a passé plus de dix ans dans un état végétatif chronique irréversible. Bianchi est désormais un chef déchu, un homme seul, arrêté et mis en prison. Cette incarcération va lui permettre de revenir sur ces dernières années – survoltées - où son quotidien était lié peu ou prou à Vincent Lambert. L’enjeu était de savoir s’il fallait le laisser vivre, comme le souhaitaient ses catholiques de parents, ou lui permettre de mourir, ainsi que le réclamait Rachel, sa femme. Après maints revirements, Bianchi s’est surtout acharné à chercher en Vincent un soupçon de conscience, une trace de vie qui lui permettrait de répondre à cette question : veut-il oui ou non vivre encore ?
Dans son avant-propos, l’auteur précise qu’il s’est appuyé sur des faits vrais en utilisant les vrais patronymes (des parents, de la femme, du neveu et du premier médecin de Lambert) mais que le reste n’est que fiction. Le journal de Bianchi qui narre son séjour en prison mais surtout ses derniers agissements dans l’affaire Lambert se lit comme une enquête, avec ses doutes, ses rebondissements, ses circonvolutions, ses protagonistes bons ou méchants. Fort bien documenté, le roman - au rythme vivace et efficace - se base sur un fait réel pour aborder cette fameuse question de l’euthanasie mais le romanesque prend parfois le dessus pour rendre le tout agréable à lire, fluide et finalement captivant. Le personnage (fictif) de Bianchi, bon vivant, consommateur de champagne, gagne en profondeur au fil des pages qu’il noircit dans son journal, et, paradoxalement, il s’illumine lors de ce séjour en prison. La fiction permet d’ajouter des protagonistes qui vont faire avancer la réflexion sur la fin de vie. J’ai beaucoup aimé cette lecture qui offre une vue de 360 degrés sur cette épineuse et complexe situation. On a beau vouloir signer un papier souhaitant l’arrêt d’un acharnement thérapeutique à un instant T, cette décision peut évoluer dans le temps et selon les circonstances. Un roman original mêlant intelligemment la fiction à la réalité. Merci aux généreux prêteurs !
L’excellente BD, Mes mauvaises filles, sur le même thème.