Abel est un vieux monsieur qui vit seul dans un coin isolé de Reclesme, un petit village au cœur de la France. Paysan, il cultive la terre et s’occupe de deux vaches et d’une poignée de moutons. Il déteste son chien qui vient régulièrement lui mordiller le mollet sans prévenir, il déteste d’ailleurs à peu près tout le monde dans le village et, surtout, il n’a qu’un seul rêve : fuir. Il rêve d’aller en Ethiopie et, début de l’automne, il est vraiment décidé à vendre animaux et ferme pour s’en aller. Les autres se moquent de ses lubies d’aventurier et de marin en devenir. Au mois de février, Abel est toujours là, dans sa maison enfouie sous la neige, à pester contre ses frères qui l’ont laissé seul, contre les poivrots du bistro toujours mauvaise langue. Il n’y a que Mme Huong, la boulangère, qu’il apprécie, sans doute parce qu’elle vient de si loin, du Vietnam...
Les dessins de Duhamel m’ont plu, comme ça avait déjà été le cas pour Jamais ou Le retour. A la fois simple, précis et juste, le trait représente parfaitement les paysages mais aussi les personnes, Duhamel n’a pas son pareil pour dessiner les trognes des types. Beaucoup de gris, de noir et de blanc pour évoquer le triste quotidien d’Abel, quelques touches de couleurs lorsqu’il se voit en pleine mer ou sur une plage de cocotiers. Vous l’aurez peut-être deviné, ce sont les rêves et l’espoir qu’un jour il partira qui font tenir le vieux bonhomme aigri et grincheux. J’ai tout de même trouvé l’ensemble un peu tristounet et frustrant par rapport au dénouement. Le tout n’en demeure pas moins très agréable à lire, parfois vraiment drôle comme les dialogues au café du village. Un hommage aux ruraux sans doute... ceux qui ne partent jamais...
« Ah..., ils viennent de trouver un médicament contre l’alcoolisme...
- Houlàà... moi, j’attends de connaître les effets secondaires...
- Si vos femmes apprennent ça, vous êtes bons pour la grenadine. »