Ça fait longtemps que je ne vous avais pas emmenés au théâtre. Cette fois-ci, ce n’est pas le théâtre qu’on lit mais celui qu’on regarde.
Nous sommes dans un atelier de haute-couture, à Londres, en 2025. La maison Béliana a eu l’immense privilège de pouvoir créer la robe de mariée de la princesse d’Angleterre. C’est l’effervescence mais aussi le stress parce qu’il faut être plus parfait que parfait, répondre à toutes les exigences techniques et se soumettre à une clause de confidentialité. On quitte Paris pour Alençon où on suit les plus anciennes dentellières qui mettent leur savoir-faire unique et précieux au service de la robe. Allons encore bien plus loin, c’est à Mumbaï qu’Abdul, un seul ouvrier, va broder les milliers de perles de la robe. Cette œuvre unique qui se doit d’être splendide va mobiliser des dizaines de petites mains et va, surtout, abîmer la vie personnelle de chacun : un couple se défait, un ouvrier devient aveugle, une famille explose. Les petits tracas vont se transformer en catastrophes et aucun ne va sortir indemne de cette expérience.
C’est une pièce où l’on ne s’ennuie guère : les décors bougent, les lieux changent, les comédiens endossent le rôle de plusieurs personnages, on voyage, on coud, on rit, on pleure, on s’appelle en visio, on se laisse interviewer, on a peur, on travaille, on travaille, on travaille... La vidéo articule l’ensemble de la pièce et les procédés se rapprochent tellement de ceux utilisés par le cinéma que c’est ce qui m’a laissée perplexe. On regarde véritablement une série Netflix, avec ses nombreux épisodes, ses rebondissements, ses intrigues secondaires (qui n’aboutissent pas toujours, en plus !) et ce mouvement perpétuel qui laisse à peine respirer le spectateur. C’est donc d’assister à quelque chose qui n’est pas vraiment du théâtre qui m’a dérangée mais aussi de suivre des histoires parallèles qui se sont écartées du fil conducteur de la pièce (qui était très intéressant). On ne voit pas les trois heures (sans entracte) passer mais les clichés se répondent d’une manière trop parfaite et convenue (un peu comme cet univers de la haute-couture.) A noter que les acteurs professionnels côtoient des comédiens amateurs et qu’ils sont tous remarquables, à commencer par la première d’atelier, Marion, interprétée par Maud Le Grevellec. Pour avoir entendu divers avis venant de grands adolescents, c'est un spectacle qui plaît beaucoup aux jeunes.
Créatrice de la pièce et metteuse en scène, Caroline Guiela Nguyen est aussi la directrice du TNS.
La pièce va tourner, à Reims et Milan en novembre, à Lille et Douai en décembre, à Paris en février, etc.