Une châtaigneraie, sur une île. Six mères et une aïeule vivent dans le domaine avec leurs enfants tous âges confondus. Dans un joyeux chaos estival, des relations se tissent, tantôt amicales et chaleureuses, tantôt plus froides et distantes mais jamais malfaisantes. L’origine, l’âge, le passé, les rêves des femmes diffèrent mais elles ont toutes un point commun : cette châtaigneraie est devenue un refuge avec ses avantages mais aussi les inconvénients d’un endroit isolé, reclus et clos. Qu’y a-t-il derrière ce mystérieux grillage à ne franchir sous aucun prétexte ? ... Fuyant toutes un homme violent et agressif, les femmes tentent de vivre, au gré des saisons et du travail des châtaignes, elles se confient, s’entraident, rient, pleurent, se taquinent, s’épaulent, taisent aussi parfois leur secret.
Une châtaigneraie : avouez que la saveur du mot suffit déjà à susciter l’évasion et le parfum de la nature. Dans ce huis clos exclusivement féminin, les secrets se révèlent au compte-goutte, les traumatismes de la vie passée n’ont pas tout à fait guéri et l’homme est l’ennemi numéro un. Volcanique et tourmenté, le monde décrit s’accompagne aussi d’une poésie flamboyante, à la Carole Martinez, avec une sorte de malaise ambiant qu’on comprend mieux à la fin. L’écriture colorée, voluptueuse, imagée est si belle que je me suis laissé perdre dans cette forme sublime au détriment du fond. Parmi la quantité de personnages, certains ont l’air d’avoir été abandonnés, j’ai aussi mêlé des noms et des histoires... J’ai dû relire certaines pages, et je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, mais une chose est certaine : pour un premier roman, le style et l’élan féministe sont absolument remarquables ; il faut bien noter le nom de cette autrice.
« C’est dans les cuisines toujours qu'ils résonnent, les chuchotis honteux mêlant promesses bafouées, passions inavouables et grands mensonges, l 'eau stagnante remonte les tuyaux et inonde les bouches, que sont invoqués en tremblant les amours perdues, les adolescences insondables et les petites trahisons du quotidien, confidences magiques et invulnérables qui n'ont leur place qu'ici, dans l’exhalation mortifère des plats qui cuisent, de la viande qui macère et des coquilles que l'on brise. »
« Les règles remisées au placard, les femmes grondent et personne n'y croit. Elles ont l'ordre en horreur, le chaos est toujours prêt à éclater, ici, dans leur maison fébrile, remplie à ras bord de tous ces corps électrisés, entre crises de larmes et gorges déployées c'est le choix du vacarme, la survie euphorique. »