Milan a grandi à Versailles, fils d’un Français et d’une Rwandaise. Son enfance paisible et ordinaire est bousculée le jour où, en 1994, on lui présente Claude, un garçon noir chétif qu’ils vont devoir héberger quelque temps. Malgré la barrière de la langue, malgré l’absence d’explications de sa mère (qui n’a jamais rien raconté de ses origines), malgré les terreurs nocturnes de Claude, Milan va s’attacher à celui qu’il nomme son « petit frère ». Claude va lui être brutalement arraché deux mois plus tard avec toujours aussi peu d’explications. Plus tard, à l’âge de 16 ans, Milan va passer des vacances au Rwanda, sa mère va l’emmener dans sa famille. Il y découvre un peu plus chaque jour : une grand-mère, un oncle, un Claude qui n’est pas celui qu’il pensait et surtout une histoire effrayante, un passé sanglant encore tabou. 2005, Milan est désormais étudiant en droit et il n’a jamais oublié le Rwanda, il y retourne pour enquêter sur les gacaca, ces tribunaux populaires de plein air mis en place pour juger les crimes des génocides et découvre encore et encore des pans d’Histoire atrocement sordides. Il finira par s’installer au Rwanda et son histoire nous conduira jusqu’en 2020.
Si j’ai démarré ce roman avec un a priori très positif (je suis fan et de l’écriture de Gaël Faye et de ses chansons), je n’ai absolument pas été déçue. Un peu décontenancée au départ parce que ça ressemblait à Petit Pays tout en n’ayant rien à voir, j’ai rapidement été happée par cette lecture. Terrifiée par le génocide de 1994 mais aussi par tous les massacres et les persécutions qu’ont subi les Tutsi, par ce sentiment de défiance qui a perduré (c’est ton voisin qui a sauvagement tué ta famille et c’est avec lui que tu dois continuer à vivre...), j’ai également été subjuguée par un pays capable, malgré tout, de renaître. Les variations d’émotions des personnages, le silence qu’on ne sait briser, la puissance de l’héritage familial (mention spéciale à la petite Stella qui a fait du jacaranda son antre), la résilience sont des thèmes parfaitement orchestrés par une écriture sensible et touchante, poétique et imagée. On est vraiment dans les rues du Rwanda, on a même sacrément envie d’y aller pour de vrai ! L’auteur nous en apprend beaucoup : sur son histoire sans aucun doute, sur l’Histoire mais aussi sur les cœurs humains. C’est aussi beau qu’un majestueux jacaranda (qui était un de mes arbres préférés bien avant l’existence de ce livre). Incontournable.
--- Un immense COUP DE CŒUR ---
Milan retrouve Claude au Rwanda : « Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances. Ce pays est empoisonné. On vit avec les tueurs autour de nous et ça nous rend fous. Tu comprends ? Fous ! »
« Jour de procès. Le tribunal gacaca se tenait dans une clairière à l'herbe grasse plantée d'eucalyptus, tout au bord de la route asphaltée, à quinze kilomètres de Kigali. Le public venu des collines alentour était assis sur le gazon, une centaine de personnes, des femmes surtout, certaines allaitant leurs enfants, abritées du soleil sous de grands parapluies multicolores. La scène était champêtre, le paysage idyllique. Face à l'assemblée, une table centrale où devaient siéger les juges. À droite, le banc des plaignants, sur lequel Claude était seul, concentré, les yeux fermés pour éviter le regard des deux prévenus qui lui faisaient face. »