Le roman aux milliers d’éloges... ou pas loin. Il me tardait de découvrir cet auteur.
En 1740, une flotte britannique quitte l’Angleterre pour piller les trésors espagnols au large du Chili, dans un contexte de guerre Angleterre/Espagne. Le vaisseau de ligne Wager en fait partie. Après avoir bravé les mollusques qui rongent la coque, les dangers du tumultueux Cap Horn, les cadavres dont il faut se débarrasser, les 250 marins avec, à leur tête, le capitaine David Cheap, sont confrontés à la tempête du siècle mais doivent aussi faire face à une épidémie de scorbut (un peu de typhus aussi, tiens). Les obstacles, problèmes et périls atteignent leur acmé quand le bateau fait naufrage sur une île au large de la Patagonie. Ils ne sont plus que quelques dizaines de misérables loqueteux tiraillés par la faim et la peur, et la rudesse de l’île ne permet guère de vivre décemment. Il est temps de prendre une décision : soit poursuivre la mission qui leur a été attribuée, soit faire marche arrière et regagner la côte est de l’Amérique du Sud. Cheap et l’enseigne du Wager, Byron (16 ans et le petit-fils du poète !) restent sur l’île et tentent de gagner Chiloé, une île chilienne, tandis que Bulkeley, le canonnier, un homme pieux qui aime tenir son journal, dirige le groupe des mutins.
Après un début un peu longuet consistant à présentant les personnages principaux, le roman gagne en profondeur, se laisse porter par la houle grondante et le lecteur se retrouve (presque) aussi chaviré que les personnages. Le rythme est haletant, l’auteur maîtrise son sujet, il n’y a pas à dire (la bibliographie en fin d’ouvrage le prouve et Grann est allé jusqu’à passer trois semaines sur l’île), il intercale des témoignages authentiques et des images de cartes et de portraits du personnel du Wager afin d’apporter cette petite touche de réel qui fait mouche. C’est une robuste épopée où le mot « aventure » prend tout son sens. La vie sur l’île hostile et glaciale est à peine atténuée par la rencontre d’indigènes que les Européens continuent à traiter de « sauvages ». On assiste également à toutes les étapes d’une robinsonnade (à plusieurs) : le besoin de civiliser l’île, la constitution de clans, l’émergence des menteurs, des voleurs, des chefs, des désespérés, la construction de « maisons », la construction de bateaux... Pour écrire ce roman s’inspirant de faits historiques, l’auteur imbrique toutes les pièces d’un puzzle gigantesque et rend un bel hommage à cet extraordinaire périple dont peu reviendront. Mission accomplie, dépaysement garanti. J’en redemande mais trop non plus parce que c’est loin d’être mon genre de prédilection. Il m’a manqué un élément primordial de la littérature : le sentiment ! Les personnages évoluent au gré des vagues, des ordres, des mutineries, du vent... ça ne me suffit pas ! J’ai aussi trouvé la fin un peu vite expédiée même si c’est le dénouement même de cette aventure qui a voulu ça (chacun a dû rendre des comptes une fois revenu en Angleterre). En bref : certains ont bien plus aimé que moi !
Grâce à cette lecture, je participe au challenge maritime de Fanja, Book Trip en mer.
La tribu rencontrée, les Kawésqars : « Au fil des siècles, ils s'étaient adaptés à la rudesse de leur environnement. Ils connaissaient pratiquement les moindres recoins de la côte et portaient en eux des cartes mentales de ces dédales de chenaux, de criques, de fjords. Ils connaissaient les abris protégés des tempêtes, les torrents de montagne aux eaux cristallines que l'on pouvait boire sans danger, les récifs chargés d'oursins, d'escargots de mer et de moules comestibles, les anses où se regroupaient des bancs de poissons et les meilleurs endroits, en fonction de la saison et des conditions climatiques, où chasser le phoque, l'otarie et le lion de mer, le cormoran et le brassemer cendré. »