J’ai choisi ce titre pour participer au beau challenge Les classiques c’est fantastique chez Moka et Fanny (la saison 5 démarre, n’hésitez pas !) Le thème porte ce mois-ci sur la nature. Je pense être dans les clous avec ces six nouvelles nous emmenant dans une nature lointaine et dépaysante.
« L’homme et le loup » : Ils sont deux, fatigués, chargés de ballots, affaiblis par des jours de marche. Mais Bill abandonne son compagnon de route sans se retourner parce qu’il peine à traverser une rivière. Ils devaient se retrouver à une cache près du Dease Lake au Canada mais la faim et une cheville douloureuse ont eu raison de la ténacité de l’homme (il va jusqu’à manger des vairons et des poussins vivants, et sucer des débris d’os de caribous !) Il croise un ours qui ne l’effraie même pas et sera suivi par un loup malade en quête de nourriture, comme lui. Ces « carcasses mourantes » finiront à se livrer à une sorte d’accolade macabre pour savoir qui mangera l’autre. Dans cette nouvelle, trois entités cohabitent : la nature, l’homme et le loup, et la nature sortira grand vainqueur de ce match tragique.
« Le fils du loup » : Dans le Yukon, Scruff Mackenzie, un homme blanc « chasseur d’élans » se rend chez les Sticks, des Amérindiens, pour trouver une femme. Il a jeté son dévolu sur la fille du chef, Zarinska. Mais la tribu est méfiante devant ce « fils de loup » et seul un combat entre deux hommes tranchera... C’est la nouvelle que j’ai le moins aimé.
« Bâtir un feu » : il me semble que la BD (géniale) de Chabouté a contribué à faire connaître cette belle et effroyable nouvelle où on assiste à la mort d’un homme, perclus de froid. -40 degrés : tout est de neige ou de glace dans cette région du Yukon. Un homme avance seul avec un husky indigène sur les talons. Il peine à manger parce que ses doigts s'engourdissent en quelques secondes, il ne sent plus ses orteils mais parvient tout de même à faire un feu ... qui s'éteint lorsqu'il enlève ses chaussettes. On assiste ainsi à la mort de cet homme courageux mais naïf et stupide qui, les doigts morts, ne parvient plus à utiliser les allumettes. D’une effrayante tristesse.
« Chris Farrington, un vrai marin » : c’est la revanche du p’tit jeune ! Sur la Sophie Sutherland, un trois-mâts qui chasse le phoque pour sa fourrure au large du Japon, Chris, un gamin, a l’occasion de montrer ses compétences lors d’un typhon où c’est lui seul qui va manœuvrer et donner ses ordres à un capitaine impuissant.
« Les redoutables îles Salomon » : cette nouvelle se distingue des autres par sa dimension comique : si les îles Salomon sont réputées dangereuses et hostiles, le capitaine Malou va jouer avec les clichés et la grande naïveté de Bertie pour lui présenter des indigènes cannibales et sanguinaires et une vision démesurément effroyable des lieux. C’est plutôt léger et agréable à lire !
« Repousser un abordage » : Bob et Paul sont deux jeunes hommes amis qui ont réussi à s’acheter un voilier, le Mist. En naviguant dans la baie de San Francisco, Paul se plaint que la véritable « aventure » a disparu en ce début XXè siècle lorsqu’ils se font attaquer par deux pêcheurs italiens qui leur en veulent parce que le Mist a cassé leurs filets. Paul aurait mieux fait de se taire...
Jack London oppose souvent la civilisation à la nature sauvage démontrant que c’est rarement l’homme qui a raison. Dans un cadre rude et hostile, il parsème de petites étincelles d’humanité, toujours bonnes à prendre et servies par une écriture imagée et efficace. Je pense que je garderai surtout en mémoire la nature glaciale et impitoyable du Grand Nord.
Extrait de « L’homme et le loup » : « Pourtant, l’été indien se maintenait et il continuait de ramper et de s'évanouir, tour à tour, et, toujours, le loup malade toussait et haletait sur ses talons. Ses genoux étaient devenus de la viande crue, comme ses pieds. Bien qu'il les ait protégés avec la chemise qu'il portait précédemment sur le dos, il y avait une traînée rouge qu'il laissait derrière lui sur la mousse et sur les cailloux. Une fois, en tournant la tête, il vit le loup lécher avidement, sa traînée rouge ; il perçut alors avec acuité ce que pourrait être sa fin - sauf si - sauf s'il pouvait tuer le loup. »
Le froid dans « Bâtir un feu » : « Le givre que créait sa respiration avait saupoudré sa fourrure d'une poussière de gel ; les bajoues, le museau et les cils étaient plus particulièrement blanchis par la cristallisation de son haleine. La barbe et les moustaches rousses de l'homme étaient pareillement gelées, mais de manière plus solide, le dépôt prenant la forme de glaçons qui grandissaient à chaque fois que s'exhalait son souffle tiède et humide. De plus, l'homme chiquait et une muselière de glace lui collait aux lèvres, avec tant de rigidité qu'il ne pouvait pas dépasser son menton quand il crachait le jus de la chique. »