Michele est mort, l’adolescent s’est défenestré. Son père, Mimí, chef de la Sacra, la mafia qui règne sur le territoire des Pouilles, cible l’objet de sa vengeance sur Nicole. En effet, la jeune fille se serait moquée de Michele et aurait envoyé promener ses déclarations d’amour répétées. Veli est le gardien de la cellule que Mimi a réservée pour ses prisonniers ; ils n’y restent que quelques jours en attendant... leur mort. Pas foncièrement mauvais, Veli accueille Nicole dans son antre. Cette proximité va déclencher un rapport inédit entre les deux êtres – Nicole surprenant son geôlier par sa spontanéité et sa candeur, tandis qu’à l’extérieur, Mimí fait régner la terreur et se laisse envahir par un chagrin devenu folie.
Quel curieux polar ! A la fois violent et sans concession, poétique et d’une incroyable beauté, il n’est pas sans rappeler la tragédie antique. L’auteur multiplie les voix et les points de vu, le résultat n’en demeure pas moins oppressant. Par son originalité, sa poésie et son efficacité, Je suis la bête est un roman dont je me souviendrai longtemps et que je ne peux que recommander. Je n’en fais pas un coup de cœur à cause d’une scène d’une effroyable répugnance et une fin que j’ai trouvée un peu emberlificotée. Si c’est un premier roman pour l’écrivain italien originaire des Pouilles, le bonhomme n’est pas un novice en littérature puisqu’il est l’un des fondateurs du centre de recherche du PEN sur la poésie contemporaine et les nouvelles formes d’écriture, et le directeur artistique du festival littéraire Poié à Gallipoli.
Mimí devant sa fille Arianna : « il est seulement le père de Michele, P. pour le moment il peut rien faire d'autre. Il a pas d'explication, c'est comme ça, depuis que Michele est mort, il sent qu'il a qu'un enfant, il sait pas comment l'expliquer, c'est comme ça. Puis Mimi se tait, sa fille aussi, ils se regardent. Mimi voudrait dire qu'il regrette, mais non, il n'y arrive pas, il ne sait pas pourquoi, il s'en va. Il laisse la porte ouverte. »
Veli, à propos de Nicole : « Je l'entends respirer. Je sais qu'elle ne dort pas. Et en effet elle parle bientôt, à voix basse. Ça me semble absurde de l'entendre parler ainsi, comme si c'était un acte de respect envers moi, une précaution pour ne pas me réveiller au cas où je dormirais déjà ».