Le narrateur, un ancien combattant de la guerre 14-18 y a beaucoup perdu : une main, ce qui l’a relégué à des tâches différentes pendant la guerre (comme chauffeur), et sa fiancée, Anna, qu’il aurait voulu mieux aimer. Pour compenser ces pertes, il s’acharne à retrouver des disparus réclamés par des familles malheureuses. Ainsi, il mène une enquête approfondie pour retrouver Emile Joplain, un fils de riche qui est tombée amoureux d’une pauvre Alsacienne employée à servir sa famille, Lucie Himmel. Cette guerre qui ne devait durer que quelques semaines va séparer les amants mais chacun n’aura de cesse de tenter de retrouver l’autre. Le narrateur, de témoignages en lettres retrouvées, de chansons en récits de souvenirs, entre Paris, l’Alsace ou encore Arras, va avancer doucement, plutôt piétiner souvent, pour dénicher un semblant de vérité et se redécouvrir soi-même par la même occasion.
J’avais lu beaucoup d’avis positifs au sujet de ce roman, ils sont amplement mérités, l’histoire bouleversante des personnages principaux est servie par une plume sensible, délicate et parfois créative. La poésie se mêle à cette enquête un peu insensée et la photographie de cette période d’entre-deux-guerres paraît très juste, celle de la barbarie de la Première Guerre l’est tout autant. Le dénouement va de surprise en surprise et j’avoue avoir été malmenée, avec grand plaisir, pour délier les fils de cette intrigue complexe. Et puis, il y a l’amour, ah, qu’il est joliment décrit, ce sentiment si pur et si candide qui unit Emile et Lucie même si le destin leur a fait une blague de très mauvais goût. Une lecture très très agréable que je recommande et un auteur que je vais suivre !
Pendant la guerre, les prisonniers allemands qui passaient : « Certains les insultaient. D’autres leur parlaient. Moi, j’évitais. Ils nous ressemblaient trop. Et puis ça se voyait qu’ils étaient perdus, qu’ils avaient peur, qu’ils étaient fatigués, qu’ils avaient des poux tout comme nous. Je ne voulais pas prendre le risque de les trouver sympathiques. Si on avait su qu’un Boche c’était rien qu’un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus. »
« Un merle noir grignotait son troisième lombric de la matinée, se disant que ce n’était pas raisonnable mais qu’on n’avait qu’une vie. »
« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça électroménageait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. Coco chanélait, André bretonnait, Maurice chevaliait. »